Tandis que le chef des nouveaux arrivants passe un savon aux deux négociateurs de la communauté, l'un d'eux croise le regard de Klaus et lui fait immédiatement signe de se rapprocher.
— Je sais, ce qu'il t'arrive est terrible, mais ça reste toujours mieux qu'une exécution, non ? Crois-moi, j'ai réellement fait en sorte qu'ils t'épargnent. Aujourd'hui, tu restes en vie, penses-y.
Il me livre en pâture aux esclavagistes et je devrais le remercier ? S'il tient tant à laver sa conscience il n'a qu'à prendre ma place, l'enflure !
Nous passons à proximité des deux groupes. L'ambiance est électrique. Tous les regards sont posés sur nous. Arrivés face aux trois hommes, le chef nous toise avant de m'examiner des pieds à la tête avec une expression d'insatisfaction, presque écœuré. Tant mieux, j'aimerais autant que la marchandise ne lui plaise pas. Klaus prend la parole. Tout le monde l'écoute, il aime ça être au centre de l'attention. Une fois de plus je suis largué, il semble d'abord s'excuser, puis il parle de « problèmes » et de « difficultés ». Il enchaîne sur une histoire « d'accord » puis m'agite comme un jouet. Le chef se tourne vers moi, pas convaincu. Sa coupe en brosse et son rasage de près reflètent son haut rang social dans notre nouvelle société où une telle toilette semble impossible. Cela lui donne une prestance qui, cependant, tranche fortement avec son teint maladif, ses yeux rougis et ses lèvres desséchées qui rappellent à quel point nous sommes finalement tous égaux. Il doit faire une tête et demi de plus que moi, et son regard méprisant m'intimide. Sa mâchoire carrée et son rictus relâché donnent l'impression qu'il a perdu toute capacité de sourire.
Il finit par émettre un grognement.
— Hum, américain ? Je hais américains.
Son anglais est laborieux.
Il m'examine à nouveau. Son visage exprime toujours une sorte de réticence, presque du dégoût.
— Okay, je prends. Vous avez gluk je suis dans mes bons jours.
Il vient de s'adresser à Klaus sans me lâcher des yeux. Puis il pose une lourde main sur mon épaule.
— Je suis Schaeffer et maintenant tu es à moi. Tu auras beaucoup de temps pour apprendre à connaûtre moi. Je peux dire à toi que si tu veux survie, tu devras... suivre les ordres... ou tu connaîtras souffrance longue.
J'ai encore du mal à y croire, je vais vraiment être l'esclave de ce type ? C'est pas possible, j'ai dû mal comprendre. Il n'est pas question que...
Sa main se referme telle une pince hydraulique, il pourrait me briser la clavicule. Son visage n'a pas une seule fois changé d'expression : froide et ferme.
Je lui fais signe de la tête que tout est clair, que faire d'autre ?
— Bien.
Il tapote ma joue puis fait signe à ses hommes de venir me chercher. Tout est clair, je vais en baver. Pour le moment je n'ai pas d'autre choix que de rester calme. Si je m'agite, je suis sûr de ne récolter qu'un nouveau passage à tabac, peut-être même un traitement de bienvenue spécialement réservé aux récalcitrants, histoire de montrer qui est le maître. Je dois jouer le jeu pour le moment. Une fois arrivé chez eux l'occasion de m'enfuir finira bien par se présenter, surtout s'ils me croient docile et bien domestiqué.
Deux de ses hommes arrivent pour me prendre en charge, fermement. Ils m'emmènent vers un des fourgons. Derrière moi, tout le monde commence à s'agiter. Des ordres et des protestations fusent. Ça peste, ça proteste, ça crie, le ton monte. Un point de désaccord ? Parce que moi oui. Mes deux nouveaux matons regardent derrière eux. Surpris, ils me traînent à vive allure vers leur véhicule pour m'asseoir de force contre l'une des roues.
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Chroniques des Terres enclavées - Émergence partie 1
Ciencia FicciónAlors que la Troisième Guerre mondiale fait rage, le monde bascule dans l'escalade nucléaire le 21 septembre 2037, « The Enola Day ». Le conflit dure quelques mois, suffisamment longtemps pour défigurer la planète. En Europe, un immense territoire s...