Chapitre 34.1 - Encaisser les assauts,

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La situation est pour le moment sous contrôle.

Les premiers soldats ennemis sont arrivés trop vite à notre poste 14, trop confiants, sûrs qu'il n'y aurait personne à ce croisement. Pour eux, la surprise a été totale. Nous avons dû en éliminer une dizaine dans les premières secondes. Un véritable tir au pigeon. Face à ce massacre, les survivants ont rapidement cherché un couvert. Coincés derrière des abris précaires, ils attendent maintenant que d'autres à l'arrière viennent leur prêter main-forte. Quelques-uns de mes tireurs profitent du moindre bout de chair qui dépasse pour tenter d'en aligner un. Inutile.

— Économisez vos cartouches. Ne tirez que si vous êtes sûrs.

L'obscurité n'arrange pas les choses. On se bat contre des ombres se déplaçant dans les ténèbres, disparaissant aussi vite qu'elles sont apparues. Difficile d'accrocher une cible sans risquer de gaspiller de précieuses balles. Moi-même je ne suis pas sûr d'avoir fait mouche tout à l'heure. On a vu des corps tomber sans savoir qui a touché quoi.

Deux tirs ! Près de moi ! Immédiatement suivi par un court râle de douleur de l'autre côté de la barricade.

— J'l'ai eu ! s'exclame l'un de mes hommes.

Mes oreilles sifflent. L'odeur de la poudre me prend le nez.

Une silhouette passe dans mon champ de vision. Pistolet au poing, je tire. Deux coups également. Je ne sais pas si je l'ai eu.

Appuyé contre la carcasse de voiture qui me sert de couvert, je sens chacun de mes battements de cœur. L'adrénaline circule dans mes veines. Après toutes ces années, je retrouve ces sensations singulières, propres aux champs de bataille, quelque chose de doux amère, oppressant et galvanisant à la fois.

Pendant que nous, les tireurs, tenons l'ennemi à distance, les fantassins restent immobiles. Alignés les uns à côté des autres, leur lances plaquées contre leurs poitrines, à moitié allongés contre la barricade de fortune, jambes fléchies, prêts à bondir, ils attendent le moment où l'ennemi tentera de passer par-dessus le talus de gravats.

Ça bouge de plus en plus au loin. Ils préparent quelque chose.

Des balles ricochent près de nous ! Elles viennent de nulle part !

Les fusiliers que j'ai postés à l'étage de l'immeuble derrière moi ripostent. S'en suit une grêle de balles qui se fracasse contre leur façade.

Un cri de douleur retentit ! Quelqu'un est touché !

— Comment ça se passe là-haut ?

— On a deux blessés, Major.

— Graves ?

— Un, oui, à la poitrine !

Un hurlement rugit au loin. On dirait un ordre, immédiatement suivi par une nouvelle pluie de tirs !

— Baissez la tête !

En face, une puissante clameur de rage et de fanatisme s'élève, terrifiante. Une véritable horde de sauvages court droit sur nous. Des tirs couvrent leur charge et nous forcent à rester planqués.

— Fusiliers, repoussez-les !

Des salves éclatent autour de moi. Des dizaines de flashs frénétiques éclairent le croisement d'une lumière épileptique.

Je bondis hors de mon couvert et cours tête baissée vers les fantassins.

— Ils vont tenter de passer ! À vos lances !

Une ligne de tête surgit de derrière le monticule de gravats.

Je m'arrête, pose un genou à terre, pointe mon arme sur l'une d'elle et tire. Projetée violemment en arrière, elle disparaît presque immédiatement. J'en aligne une deuxième. D'autres s'écroulent, touchées par ceux derrière moi, mais ce n'est pas assez, ils sont trop nombreux. Ils sont maintenant debout au-dessus de la barricade.

Chroniques des Terres enclavées - Émergence partie 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant