Je me redresse une nouvelle fois en m'appuyant sur les coudes. Cette fois mes bras me soutiennent, signe que mon corps se remet progressivement de cette expérience. Tanya, toujours groggy, reste inerte. Je n'ai pas la force de parler suffisamment fort pour couvrir la distance qui nous sépare. Alors je pousse sur mes jambes pour me relever, mais rien à faire, impossible de décoller mes fesses du sol. Je me retourne pour me mettre sur les genoux. C'est mieux, mais je commence à avoir la nausée. À quatre pattes, immobile, j'ai pourtant la tête qui tourne de plus en plus vite, comme dans un manège accélérant sans cesse. Des spasmes incontrôlables font remonter de l'acide des tréfonds de mon système digestif. Je bloque ma mâchoire et sers les dents pour ne pas laisser s'échapper le peu qu'il me reste dans le ventre. Mais c'est trop fort. Le contenu de mon estomac force le passage pour se répandre sur le sol dans un son guttural répugnant. Me voilà vidé du peu que j'ai pu ingurgiter avant de m'injecter cette saloperie. Seule subsiste cette sensation de brûlure tout le long de la trachée et quelques résidus coincés entre les dents que je dois déloger avec ma langue avant de les recracher.
Tiens, encore du sang.
Tanya s'agenouille à mes côtés, pose sa lampe de poche par terre et me tend une nouvelle bouteille d'eau. Mes râles ont dû la sortir de sa torpeur. Je parviens enfin à me lever entièrement. Mes jambes tremblent, mais elles parviennent à me maintenir debout dans un équilibre précaire. Je prends la bouteille pour éteindre l'incendie qui continue à ravager ma gorge.
— Ne t'inquiète pas, ça m'a fait pareil quand je me suis réveillée tout à l'heure.
Même si cette eau a un goût de vomi, ça fait un bien fou.
— Seulement moi j'ai eu le temps de sortir.
Merde, cette foutue bouteille est déjà vide. Un inventaire va s'imposer avant de partir.
— Faudra faire attention en sortant.
— Hein ? Faire attention à quoi ?
— Non, laisse tomber.
Difficilement, elle retourne s'asseoir à sa place d'un pas fatigué en faisant attention à ne pas faire traîner par terre son duvet qu'elle garde toujours sur le dos.
Il fait sombre, la lune ne semble pas pouvoir percer la couche de nuages cette nuit. Je distingue tout juste la silhouette de Tanya qui se dessine grossièrement dans l'obscurité. Derrière elle, les ténèbres semblent avoir envahi le reste de la pièce. Sur sa droite, au pied du mur le plus proche, une masse sombre produisant de petits ronflements réguliers me rappelle le souvenir de Joost allant se coucher. Même dans son sommeil, sa bruyante présence emplit toute la pièce. Il s'est endormi extrêmement vite, mes renvois gastriques ne l'ont absolument pas dérangé. Malgré le stress de sa mission, l'attaque violente des pillards, et même entouré d'inconnus, il parvient à dormir sereinement. C'est presque une prouesse.
— Tu vas rester planté comme ça longtemps ?
Ça fait effectivement un bon moment que je me suis levé, pour finalement rester immobile à regarder autour de moi. Je n'ai plus de vertige et mes jambes parviennent désormais à me soutenir sans faillir. Par contre, j'ai encore mal au crâne et ma bouche est toujours aussi pâteuse.
— Billy ? Ça va ?
— Oui ! Laisse-moi le temps d'émerger.
Je ne l'ai pas vu, mais j'ai bien entendu un petit rire moqueur.
Je m'approche à tâtons de la table où nous avons mangé et m'assieds sur la chaise en face de Tanya.
— Je t'avais laissé la lampe...
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Chroniques des Terres enclavées - Émergence partie 1
Ficção CientíficaAlors que la Troisième Guerre mondiale fait rage, le monde bascule dans l'escalade nucléaire le 21 septembre 2037, « The Enola Day ». Le conflit dure quelques mois, suffisamment longtemps pour défigurer la planète. En Europe, un immense territoire s...