7- La volonté

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– Lys –

Le gardien examine mon permis de visite puis saisit ma pièce d'identité avant de la conserver jusqu'à mon retour. Je pénètre dans les locaux du centre pénitencier en direction des casiers.

C'est sans doute l'endroit que j'aurais le plus souvent visité ces derniers mois.

Après avoir déposé mon sac à main contenant le paquet de cigarettes que j'ai fini par acheter à nouveau, je verrouille le casier et me dirige dans le couloir étroit. Je passe sous le portail de détection à métaux.

J'arrive à la salle de parloir et m'installe à une table. Je déteste les bruits de prison, ils me donnent la nausée. 

Les autres tables, desquelles je suis séparée par une demi-cloison, sont toutes pleines. Trois surveillants se tiennent aux angles de la pièce, les bras croisés et les expressions aussi sévères que lasses de rester debout à observer toutes ces retrouvailles assommantes.

Je soupire et mon pied s'agite sous la table. Je caresse la table froide de l'index quand mon ouïe à l'affût capte le son d'une porte qui s'ouvre.

C'est lui.

Arthur Daunely, mon père.

Sa mine affreuse me brise avant que son regard ne croise le mien et que son visage ne s'adoucisse aussitôt. Je sais que le reste du temps, c'est la première expression qu'il porte.

- Lys, ma chérie. Comment vas-tu ?

- Ça va, dis-je avec un faux sourire. Et toi ?

- Merveilleusement bien. Tu sais, je viens de terminer ce livre que tu m'avais amené. 

- Je savais que ça te plairait. Je t'en ai amené un autre, répartis-je avant de me tourner pour montrer la porte. Il est... Enfin tu vois, il faut qu'ils vérifient comme d'habitude.

Il hoche la tête.

Mon père adore la littérature classique et, de toute manière, que pourrais-je lui apporter d'autre ? Des romans policiers ?

- Et toi ? demande-t-il à nouveau. Comment les choses se déroulent à ton travail ?

Je masque au mieux mon embarras en tentant de me souvenir la manière avec laquelle je réponds habituellement.

- Stéphanie est toujours aussi peste, Edouard est le même patron médiocre et Emma et Ambre n'ont pas changé non plus. Rien de bien différent.

Il rit doucement.

- Je vois.

Je lève les yeux pour croiser les siens. Ses cernes se creusent de jour en jour, renvoyant à ses yeux d'un bleu sombre. De mon côté, j'ai hérité des iris gris de ma mère.

J'ai l'impression qu'il gagne une année à chaque mois de plus qu'il reste ici.

- Comment ça se passe ici ?

- C'est bien, sourit-il. Je n'ai pas de problèmes et les gardiens ne sont pas abusifs. Tu n'as pas à t'inquiéter.

Les larmes me montent doucement aux yeux sans que je ne puisse les retenir.

- Je jure de te faire sortir d'ici, papa. C-c'est juste qu'il me faut un peu de temps. Avec l'argent et les dettes, je ne-

Il pose une main sur ma joue pour la caresser et j'aperçois un des surveillants se redresser aussitôt.

- Je t'ai dit de ne pas t'inquiéter, répète-t-il. Savoir que tu mènes une belle vie en dehors d'ici est la seule chose qu'il me faut pour être satisfait. Le reste n'est pas important.

Le goût du crimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant