19- La culpabilité

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- Lys -

Lorsque nous subissons une épreuve trop lourde, notre corps exige l'inverse de ce dont nous avons besoin. C'est ainsi que, paradoxalement, nous nous isolons pour ressasser quand nous devrions avancer et nous plongeons dans l'oubli de la stimulation quand il faudrait s'arrêter pour penser.

J'aurais dû refuser ces faux billets. Quoiqu'Esteban aurait fini par apprendre ses liens avec les Balkans d'une façon ou d'une autre...

Ce n'est pas comme si l'autre avait une âme charitable, non ?

Pourtant, j'ai été frappé par la mort de Samuel. La dernière expression sur son visage hante encore mon esprit et le coup de feu qui résonne dans mes oreilles me donne la nausée.

La sonnerie de mon réveil retentit. J'ai à peine l'énergie de lever un bras pour l'éteindre. Je n'ai pas fermé l'œil de la nuit.

Je regarde dans le vide encore quelques minutes avant de me forcer à sortir du lit. Une douleur se met soudainement à frapper dans mon crâne. Génial, j'ai une pseudo gueule de bois alors que je n'ai même pas bu.

En regardant mon matelas une dernière fois, tout mon corps lutte pour ne pas s'y effondrer à nouveau. Esteban m'a remis un autre colis. Je n'ai même pas le droit de m'effondrer en silence et de me laisser sombrer comme toute personne normale.

La seule chose qui me motive actuellement est d'aller acheter un putain de nouveau paquet de clope pour remplacer celui qu'il m'a pris. Je le déteste.

Sans avoir l'énergie de prendre une douche ou me maquiller, j'enfile des vêtements presque au hasard et sors de chez moi. Une fois sur la route, je m'arrête au bureau tabac le plus proche.

J'entre et demande un paquet de Philip Morris avant de sortir un billet. Le buraliste reste à me fixer sans remuer.

- Qu'y-a-t-il ?

- A-a vrai dire, nous n'avons plus de Philip Morris.

Je le regarde avec perplexité avant de scanner l'espace derrière lui.

- Pourtant je les vois, juste là, répartis-je en pointant l'étagère du doigt.

- C'est pour l'exposition, ils ne sont pas à vendre.

Mes sourcils se froncent. Depuis quand des paquets de cigarettes sont disposés en modèles d'exposition ?

- Bien, donnez-moi des Marlboro dans ce cas.

Il se racle la gorge avec embarras.

- A vrai dire, ceux-là aussi sont-

- Je vois.

Son comportement étrange termine de jouer sur mes nerfs et je sors de la boutique avec colère.

Je grimpe dans ma voiture et m'arrête à n'importe quelle autre boutique qui pourrait me vendre ces putains de cigarettes. J'avance à nouveau au comptoir et prépare mon billet. Avant même que je n'ai à parler, j'aperçois le buraliste qui me scanne anormalement.

- Veuillez nous excuser, nous ne vendons pas de paquets aujourd'hui.

- Vous êtes un bureau tabac, non ? Faite juste votre travail et donnez-moi un de ces paquets que je puisse repartir !

Il reste inflexible. Je sors à nouveau en serrant les dents.

Sans grande surprise, les deux autres enseignes dans lesquelles je me rends ensuite refusent de manière semblable. J'explose de rage dans la dernière.

- Ecoutez, je viens de faire quatre des putains de bureaux de tabac de la ville ! Alors soit il y a une rupture nationale soit vous vous foutez allégrement de moi !

Le goût du crimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant