27- La témérité

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- Lys -

Avec le temps, j'ai bien fini par trouver une méthode pour comprendre Esteban : prêter attention à la moindre de ses paroles. Puisqu'il refuse de communiquer, je m'attarde sur le peu de mots qu'il utilise, et ils sont toujours révélateurs.

En y pensant, c'est assez ironique. C'est lui qui me répétait sans cesse que les détails avaient une importance capitale. Au fond, c'est comme s'il m'avait donné la clé pour le comprendre...

Je baisse la tête pour me concentrer sur les papiers étalés sur mon bureau et mes cheveux caressent le bas de ma nuque. La sensation chatouillante est suivie d'une irrépressible envie de gratter, chose que le tatoueur m'a expressément interdite de faire.

J'attrape l'élastique à mon poignet pour me faire un chignon. J'ouvre ensuite le premier tiroir du bureau pour retirer mon tube de Bepanthen que j'applique à nouveau.

J'ai l'impression de sentir les fesses de bébé...

La porte s'ouvre et je défais le chignon avec précipitation pour couvrir le trident. Si j'ai choisi la nuque, ce n'est pas sans raison. Il me fallait un endroit que je puisse facilement cacher aux autorités, mais assez visible pour m'en servir au moindre problème.

- La vente va commencer, m'informe le clerc.

- Je descends tout de suite.

Il hoche la tête et me précède dans le couloir. Je rejoins la salle de vente et analyse une dernière fois les objets avant de donner mon aval au crieur.

Esteban m'a rendu le sac de cocaïne qu'il avait pris en forçant la serrure de l'armoire. Au fond, j'avais hâte de revenir dans le business. C'est comme si j'étais en train d'étouffer à nouveau lorsqu'il n'était plus là.

Le crieur me fait signe au loin.

- Adjugé, déclaré-je dans un coup de marteau en regardant le brun assis devant moi.

Mais, en y songeant de plus près, quelque chose ne tourne pas rond dans cette mascarade. A-t-il vraiment besoin de moi pour écouler sa drogue ?

La salle se vide et je congédie le reste du personnel. Un jeune roux soupire de frustration en sortant, visiblement déçu de l'issue de l'enchère.

Quand le latino approche, je ne peux pas m'empêcher d'analyser les rides dures sur son front qui semblent davantage liées à l'expérience qu'à l'âge. Les mêmes qui commencent à apparaître sur le visage de mon père...

- Le paiement, déclare-t-il en me remettant la mallette pleine de cash.

Je l'ouvre, attrape un billet aléatoirement et l'analyse à la manière dont Esteban m'a appris il y a déjà un bout de temps. La sensation de ses mains autour des miennes pendant que je vérifiais le reflet des chiffres...

- C'est bon.

Il reçoit mon aval puis passe près de moi pour saisir la caisse.

- Merci senhora. Faire affaire avec vous est agréable, les belles figures sont si rares en prison.

Son ton respectueux teinte sa remarque, que bien trop d'hommes m'ont déjà faite. Néanmoins, le dernier mot m'interpelle.

- Vous étiez dans la prison de la région ?

Il se tourne avec intérêt, même la graisse allégrement présente ne suffit pas à dissimuler ses muscles. Mes mains deviennent moites.

- Vous connaissez encore des gens là-bas, n'est-ce pas ?

Il plisse les yeux pour me cerner.

- Que voulez-vous senhora ?

Je serre les points et m'avance d'un pas pour répondre :

Le goût du crimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant