Le goût du crime

8- L'audace

- Lys -

Mes yeux se tournent une énième fois en direction de l'horloge.

Il est 19h58.

Si j'en crois le mot encore sur ma table, Esteban ne devrait pas tarder à débarquer. J'ai décidé de l'attendre sur ce même fauteuil dans lequel il m'a accueilli en s'introduisant chez moi.

C'est dingue, on voit vraiment tout d'ici.

J'étends les jambes et cogne le carton encore sur le sol. Il va probablement être en fureur lorsqu'il verra que je ne porte pas sa robe. A vrai dire, je ne me suis même pas changée depuis que je suis rentrée du centre pénitencier.

S'il croit qu'il suffit de m'envoyer une jolie laisse pour que je l'enfile sagement autour du cou, il se fourre le doigt dans l'œil.

L'aiguille bouge une seconde fois. Il est 20h. Mon corps se met en alerte, mon regard scanne l'espace et mes poings se serrent.

Rien.

Merde, je suis ridicule. Comme s'il pouvait apparaître au centre de la pièce comme par magie. C'est un tueur, pas un sorcier.

Le bruit d'un coup sur la porte d'entrée me fait sursauter. J'arrête de respirer pour capter le moindre son.

Une seconde s'écoule mais le coup ne réitère pas.

Je me lève, saisis un couteau de poche et approche du couloir. Je continue de marcher en direction de la porte d'entrée. Une fois arrivée, je jette un œil à travers le judas.

Esteban se tient de l'autre côté, regardant sa montre d'un coup d'œil rapide. Il porte un splendide costume noir qui ne concourt pas franchement à réduire son air sombre.

Comment un homme peut-il avoir autant de carrure, c'est dingue ! C'en est presque rageant.

Je pose le couteau sur le meuble à ma droite et ouvre.

- Tu frappes aux portes maintenant ?

Ses lèvres se déforment dans un sourire vicieux.

- Tu préfères quand je le fais pas ?

Ses iris noirs descendent sur ma nuque puis le long de mon corps. A la manière dont il me toise, j'en conclus qu'il réalise enfin que je n'ai pas accepté son joli cadeau.

- Change-toi.

Malgré sa voix menaçante qui, contrairement à la mienne, ne trahit pas une once d'hésitation, je décide de lui tenir tête.

- Non.

Sa mâchoire se crispe avec exaspération.

- Change-toi.

- Pourquoi devrais-tu choisir ce que je porte ? Je ne t'appartiens pas.

- Tu te trompes poupée, t'es encore en vie uniquement parce que je l'ai décidé.

Pourquoi est-ce que chaque fois qu'il prononce le mot « vie », mon cerveau ne peut pas s'empêcher d'entendre « mort » ?

- Je ne suis pas une poupée.

Il me toise avec un mépris que j'aimerai tant lui faire ravaler en lui claquant la porte au nez. Néanmoins, je repousse déjà les limites, je ne veux pas lui offrir l'excuse qu'il lui manque pour m'abattre.

- J'ai pas de temps à perdre, Mariposa, lâche-t-il avec une colère qu'il ne masque plus. T'as cinq minutes avant que je parte, à toi de décider si tu veux être avec moi ou sous terre.

Mes yeux croisent les siens et nous restons ainsi pendant un moment. Il ne remue pas.

Mon cœur accélère un peu plus à chaque seconde qui s'écoule, comme s'il comptait avec moi l'échéance qu'il vient d'énoncer. Il ne m'en faut que dix pour craquer. Je referme la porte avec un soupir d'agacement.