54- La fureur

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- Esteban -

- Tu vas me tuer ?

Sa voix est fébrile mais il garde une posture franche. Je jette un œil rapide dans sa direction en feuilletant la page d'inventaire qu'il m'a remise.

Pas besoin de vérifier après lui, son boulot est toujours propre. Un gars fiable.

- Pourquoi je ferais ça ?

- J'ai entendu dire que la livraison serait transférée à Monaco, qu'on allait plus utiliser le port de la ville. Ça fait 15 ans que je suis gardien ici, je sais rien faire d'autre.

- J'avais pensé à te transférer aussi.

Je replie le porte-document. Son visage morose s'illumine en retrouvant son énergie habituelle. Je savais que quelque chose clochait chez lui aujourd'hui.

- Au port de Monaco tu veux dire ?

J'hoche la tête.

- V-vraiment ? Merci, soupire-t-il. Merci beaucoup.

En plus de sa commission, il aura maintenant la plage et une vie paradisiaque. Une belle promotion, et un excellent moyen pour moi d'être serein sur ce qui se passe là-bas. Je pourrais pas être présent au port, pas comme maintenant.

Il est presque sept heures quand je rejoins la Maserati. Lys doit être au travail, elle finit tard depuis qu'elle a repris la direction des ventes. Le blanchiment y est certainement pour quelque chose.

Je suis loin d'avoir terminé mais l'image d'elle derrière son bureau me plaît suffisamment pour faire un rapide demi-tour.

Je passe par la porte arrière du bâtiment et franchis le hall en direction des escaliers. L'obscurité commence à envahir les locaux. Il est tard, sa secrétaire n'est plus là et le peu de monde me laisse circuler librement.

Au cinquième étage, les couloirs sont calmes. Ils le sont toujours, c'est l'inverse qui devrait m'inquiéter.

D'où me vient ce mauvais pressentiment putain ?

La porte du bureau ne s'ouvre pas, elle est verrouillée. Je penche la tête pour regarder à travers la vitre fumée. Je peux juste voir que la lumière est éteinte.

- Oh, Esteban !

Une rousse apparaît au milieu du couloir. Elle m'adresse un sourire mielleux. Je la dévisage. Comment Lys a dit qu'elle s'appelait déjà ?

C'est ça, Ambre.

- Lys est partie ?

- Partie ? reprend-t-elle avec une surprise qui joue sur mon sang froid. Elle n'est pas venue aujourd'hui, j'ai essayé de l'appeler mais elle ne répond pas. J'allais partir et puis j'ai vu du mouvement dans le couloir, je pensais que ce serait elle... On devait pourtant se voir pour que... Enfin voilà, je devais lui remettre quelque chose.

J'écoute le moindre de ses mots mais comprends vite qu'elle me sera inutile. Excepté pour vendre la mèche sur les faux documents qu'elle rédige, trop bavarde.

Lys devait venir, elle n'aurait pas manqué son taff.

Mon premier réflexe est de tcheker l'emplacement du traceur sur mon téléphone. Quand la page s'affiche noire, je me souviens qu'elle l'avait arraché de la voiture. Je souffle fort.

Faudra que je règle ça.

Je passe près de la rousse pour sortir. Elle pose une main sur mon dos quand je la dépasse. Je ferme les yeux et serre les dents avec force pour me retenir.

Le goût du crimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant