40- L'appartenance

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- Lys -

Je traverse la route pour rejoindre l'arrêt de bus le plus proche du réparateur automobile.

La petite visite d'Esteban m'a rappelé un détail essentiel : cette voiture est un cadeau de sa part après qu'il ait volontairement incendié la mienne. J'ai donc fais un détour chez mon garagiste et j'ai prétendu un bruit étrange dans le moteur, chuchotant discrètement au mécanicien de l'inspecter dans sa totalité en échange d'un bonus en liquide.

Esteban et moi avons passé le stade où nous gagnons la confiance de l'autre. Il ne me fera pas de mal, pas tant que je ne représenterai pas une menace pour lui ou son business.

En revanche, ce qui est certain est qu'il me surveille. Il apprécie bien trop le contrôle et il semble exactement savoir où me trouver dernièrement. Le vigil qu'il a placé dans mon hall y est sans doute pour quelque chose mais je ne peux pas exclure que la Mercedes soit en réalité un cheval de Troie.

Je franchis le seuil de chez moi et rejoins directement ma chambre, dans laquelle je m'empresse de retirer l'arme entre mes cuisses. Je saisis un élastique pour m'attacher les cheveux avant d'ouvrir l'enveloppe entre mes mains.

Parmi les onze mille et quelques centaines d'euros à l'intérieur, j'en compte trois mille pour Ambre que je lui remettrai lundi. Je retire aussi cinq billets pour moi que je glisse dans le premier tiroir de ma commode.

Du reste, je marche jusqu'au salon et attrape une chaise. Je la place près de la porte du couloir, toujours ouverte, et me hisse dessus pour atteindre son sommet. J'avais raison, elle est vide à l'intérieur, je l'ai donc percé sur le dessus pour y glisser l'argent que je stock ici.

Je descends ensuite et allume l'écran plat accroché au mur pour écouter les nouvelles pendant que je cuisine.

Cette dernière semaine, j'ai effectué plus de dépenses pour moi que je n'ai jamais faites tout le reste de ma vie. En prenant soin d'être discrète, je me suis offerte un nouveau téléviseur, quelques vêtements de luxe. J'ai prévu de diviser une part pour la reverser à une association, comme pour donner une vraie valeur à cet argent.

Néanmoins, malgré tous ces accessoires insignifiants, je ne suis pas résolue à quitter cet appartement minuscule dans un quartier de banlieue.

Ce serait trop dur.

Je ne veux pas oublier mon père...

Le vibreur de mon téléphone me réveille, et je réalise que je fixais la télévision depuis une bonne dizaine de minutes. Lorsque je regarde le message affiché sur l'écran, le nom de l'expéditeur suffit à me faire reprendre esprit.

Esteban me demande de descendre devant mon bâtiment.

Il n'est pas le genre à oublier quelque chose. Mon débit sanguin accélère en envisageant qu'il s'est peut-être rendu chez Liam, ou pire encore. Je n'avais pas songé à l'éventualité qu'Esteban n'ait pas autant d'égard pour sa vie qu'il n'en a pour la mienne.

J'éteins l'écran plat et fonce dans ma chambre pour récupérer mon arme que je glisse au holster de ma jarretière. Je scanne une dernière fois l'appartement avant de sortir.

Devant l'immeuble, le moteur de la Maserati noire tourne encore en m'attendant. Je distingue rapidement la silhouette d'Esteban au volant.

Je m'assois sur le siège passager et referme la porte. Il m'adresse un regard.

Je n'ose pas briser le silence par une question dont la réponse commence déjà à m'angoisser. Lui détaille ma tenue, que je n'ai pas eu le temps de changer, avant d'esquisser un sourire satisfait.

Le goût du crimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant