37- L'horreur

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- Lys -

Le silence qui survient pendant le trajet, entrecoupé par les indications d'Esteban, est plus pesant que jamais.

Mon cœur palpite sans que je n'arrive à en déterminer la cause. Entre la peur, le regret et la colère, je préfère me persuader qu'il s'agit de la hâte.

Bien que je ne sache pas exactement ce qu'il a prévu...

Nous arrivons dans un endroit à l'écart de la ville, qui me semble étrangement plus familier maintenant qu'il fait nuit. Soudain, les contours d'un bâtiment gris à un ou deux étages se dessinent face à moi en me rappelant le lieu où nous arrivons.

Il s'agit de l'entrepôt.

Je gare la voiture dans une place similaire à celle de la dernière fois. Néanmoins, au lieu d'entrer par le large couloir qui donne sur la masse d'argent entreposé, l'armurerie et son bureau, Esteban contourne les murs gris pour passer à l'arrière.

Là-bas apparaît alors une petite (à en juger par le reste du bâtiment) dépendance. Il pousse une porte métallique cadenacée pour me faire entrer.

La pièce est plongée dans le noir le plus complet, si bien que je mets un certain temps à m'adapter.

L'angoisse que me provoque cette ambiance a laissé mon instinct de survie prendre les commandes. Mon cœur s'affole et mes yeux se mettent en alerte, dévorant la moindre parcelle de luminosité qu'ils trouvent.

Je commence à retracer le contour des murs et des poutres quand une masse noire face à moi se distingue du reste. Je la fixe sans pouvoir m'en détacher.

Ce n'est que lorsqu'Esteban allume la lumière que je perçois clairement de quoi il s'agit. Ou de qui. Un frisson me parcourt depuis les talons jusqu'à la racine de mes cheveux. C'est assurément un homme, bien que le sac en tissu qui recouvre sa tête m'empêche de l'identifier.

Mon assurance s'évapore instantanément.

- J-je... Pourquoi est-on ici ? dis-je d'une voix qui relève du chuchotement.

- C'est toi qui voulais tuer le coupable non ? Tu l'as devant toi, souffle-t-il naturellement avant de me tendre son arme chargée.

Je regarde le pistolet avec une pointe d'horreur.

Un gémissement étouffé sort de la bouche de l'inconnu en fissurant mon cœur. Il semble hors d'état de prononcer plus que ce simple son. Je suis soudainement reconnaissante à l'idée que quelque chose couvre sa tête afin que je ne puisse pas voir ça.

- Qui est cet homme ?

- C'est lui qui a planifié la mort d'Arthur, le reste n'est pas important non ? réplique-t-il avec sérieux.

- B-bien sûr que ça l'est !

Il remue l'arme sous mes yeux.

- Tu te défiles ? lâche-t-il en provoquant la colère qui avait bien failli disparaître en moi.

Je saisis l'arme d'un geste rapide et la pointe face à moi. Néanmoins, à l'instant même où j'aperçois le sac dans le viseur, dont le tissu épais ne suffit pas à effacer les courbes du visage de l'homme, ma main se met à trembler.

Je devrais poser plus de questions à Esteban, lui demander qui est exactement cet homme et pourquoi a-t-il cherché à tuer mon père. Mais j'ai bien trop peur de me défiler après cela. Et cette peur me pousse à faire le vide dans mon esprit afin que la colère puisse le coloniser à son tour.

Je ferme les yeux.

Je dois juste tirer, et tout sera terminé. Je me sentirai mieux ensuite. Il mérite de payer. Œil pour œil, dent pour dent. N'est-ce pas comme cela qu'Esteban est parvenu à faire son deuil également ?

Le goût du crimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant