Le goût du crime

18- Le dédain

- Esteban -

En arrivant au pied des escaliers, je tombe nez à nez avec Samuel Morales. Les traits de son visage se teintent de terreur avant qu'il se mette courir à l'opposé. Je monte les marches par trois et le rattrape en quelques secondes.

Il est près de la fenêtre de son bureau, la seule pièce illuminée de la maison, et s'apprête à l'enjamber pour sauter. Ma main droite saisit son pull d'un coup sec avant de l'attirer vers l'arrière. Il s'effondre sur le parquet puis se redresse sur ses coudes.

- E-Evann, bégaie-t-il. La dernière vente s'est bien passée, la jolie blonde t'a remis le paiement ?

Le surnom qu'il donne à Lys ne fait qu'attiser ma colère. J'avance et il recule en rampant sur ses avant-bras.

- Tu te crois plus malin que tout le monde, hein ?

- D-de quoi est-ce tu parles ?

J'ai jamais entendu de mensonge aussi peu crédible. Si je l'avais pas remarqué à la façon qu'il a eu de fuir, je l'aurais conclu à l'incertitude flagrante sur son visage. Des gouttes de sueurs perlent sur son front.

Il est ridicule.

- Joue pas au con avec moi.

Je passe une main dans ma poche et retire une liasse que je balance près de sa gueule.

- D'où viennent ces faux billets ?

Ses orbites apparaissent quand ses paupières s'ouvrent avec surprise. A la seconde où il réalise qu'il est grillé, il se tourne pour regarder derrière lui. Ce simple geste me suffit à anticiper ses prochains mouvements.

Alors qu'il plie les genoux dans l'espoir de se redresser pour fuir à nouveau, je me penche et l'attrape par le devant de son pull. Il remue dans les airs, le regard mortifié alors que j'avance dans le couloir avec son corps pendu au bout de mon bras.

J'approche des escaliers et sa respiration s'alourdit. Je le suspends au-dessus des marches.

- C'est là que tu voulais aller ?

Sa tête se baisse pour mesurer la hauteur, comprenant chaque arrête de chaque marche sur lesquelles il manquera pas de se heurter si je le lâche. Il arrête de remuer avec panique.

- Evann, je te jure, j'ai rien à voir avec ça ! T'as qu'à demander à celle qui a récupéré l'argent, je suis sûre que c'est cette petite pute qui est responsable.

Ses mots libèrent la rage que je contenais jusque là. Tous mes muscles gonflent, y compris ma mâchoire qui se serre avec force. Je lève le bras plus haut pour gagner en élan et le lance avec force dans l'escalier.

Il pousse un cri avant de dévaler les marches une à une. Au milieu du fracas de sa chute, j'entends certains de ses os se briser. Son corps roule jusqu'aux pieds de Lys qui recule d'un mouvement réflexe.

Si j'avais pas vu la terreur noircir son doux visage, je me serai jeté sur l'autre sans la moindre hésitation. Au lieu de ça, je retire l'arme de ma ceinture et descends pour le rejoindre en branchant le silencieux.

Il gémit, se tordant de douleur sur le sol. Son visage est parsemé de rouges qui deviendront bleus dans quelques minutes. Du sang s'échappe de son nez avant que sa bouche n'en crache aussi. Ses bras compriment son estomac. Sa jambe droite est immobile, probablement fracturée.

- Je vais pas me répéter une troisième fois, où t'as eu ces putains de billets Samuel ?

- Je savais pas que c'était des faux, je te jure !