22- La panique

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- Lys -

En entrant dans ma chambre, je trouve Ambre allongée sur le sol, les yeux grands ouverts. Lorsqu'elle m'entend approcher, elle se tourne vers moi en sursaut. Des sueurs froides ont perlé sur son front.

- L-lys...

- Tout va bien ?!

- Noon, gémit-elle avant de se relever dans un autre sursaut. Tu as entendu ce bruit ? Quelqu'un est rentré avec toi ?

Je regarde derrière moi mais n'entends rien. Elle semble en pleine descente elle aussi. Je me sens si mal de l'avoir oublié, elle a dû être d'autant plus paniquée seule.

Du valium, c'est ça !

Le médecin m'en avait prescrit pour mes insomnies quand mon père est entré en prison, il doit m'en rester quelque part.

- Il n'y a personne, ne t'en fais pas. Je vais chercher quelque chose et je reviens.

- Me laisse pas, réplique-t-elle en me tenant par le bras.

- Je reviens cette fois, promis.

Je retire sa main et me lève pour me rendre dans la salle de bain. Après avoir rempli un verre d'eau, je retourne aussi vite dans ma chambre. Je dépose le tout sur le sol le temps de la redresser puis le donne le comprimé qu'elle avale.

- Où t'étais ? termine-t-elle par demander. J'ai eu le flip de ma vie, j'ai presque cru que tu avais sauté par la fenêtre du salon mais elle était fermée.

- Excuse-moi, c'est à cause de la drogue... Tu avais raison, c'était une mauvaise idée.

- Je ne veux plus jamais recommencer ça, j'ai une boule au ventre aussi dur que du béton.

- Ça va diminuer avec l'anxiolytique mais ça risque de durer quelques temps, répartis-je en répétant fidèlement les paroles d'Esteban.

Elle gémit à nouveau de désespoir.

- Et si on allait dans le lit ?

- Bonne idée, approuve-t-elle en hochant la tête.

Elle s'appuie sur la main que je lui tends et se redresse avant de se jeter aussi vite sur la couverture. Je me joins à elle sans éteindre la lumière, bien trop inquiète à l'idée de me retrouver dans le noir.

Le reste de la nuit est un enfer.

Je ne peux pas m'empêcher de penser. J'angoisse au sujet de mon père qui se trouve actuellement dans sa cellule et qui y restera pour le reste de sa vie. Il va se faire frapper à nouveau et je ne pourrais rien faire, comme il me l'a très bien signalé lui-même.

Je remue la tête pour chasser cette idée et regarde Ambre. Elle semble dans le même état. Je me souviens alors de la position dans laquelle je l'ai retrouvée et mes organes se serrent.

Soudainement, au lieu de ses grands yeux verts et ses cheveux roux, c'est le visage de Samuel qui se retrouve sur mon parquet. Je suis prise d'une nausée si puissante que je suis à deux doigts de me lever pour vomir sur le sol.

Esteban. Je dois penser à Esteban. Dans toute cette histoire, c'est bien le seul qui me rassure autant qu'il m'effraie.

A mesure que la mémoire me revient, mon angoisse suit.

J'ai été virée. Qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire ? Il ne veut plus que je travaille avec lui ?

Avant d'être un moyen de gagner de l'argent, vendre cette drogue lui servait d'assurance que je n'irai pas voir la police, et donc qu'il ne me tuerait pas. A présent, rien n'empêche l'un ou l'autre...

Cette fois, je suis prise d'une panique plus grande que toutes celles précédentes.

Le sac rempli de drogue !

Il me reste une de ses marchandises au bureau. Je dois m'en servir pour vendre encore une dernière fois, il viendra certainement en personne pour me réclamer l'argent. Je devrais le convaincre de me garder avant qu'il ne me tue.

Après tout, peut-être disait-il cela sous le coup de la colère. J'ai bien passé une bonne dizaine de minutes seule avec sa fille...

En définitive, ni Ambre ni moi ne fermons l'œil de la nuit. Le soleil termine par se lever après un temps affreusement long. Lorsque l'horloge indique sept heures, je sors du lit.

- Que fais-tu ? demande Ambre à moitié surprise et sonnée.

- Je vais au bureau... répartis-je embarrassée.

- Tu n'y penses pas !

J'hausse les épaules en me dirigeant à la salle de bain. En réalité, c'est à ma vie que je pense. Je dois retrouver ce sac de drogue.

Une fois dans la salle de bain, je me lave les dents avant de constater un point douloureux sur mon bras gauche. Lorsque je l'examine à travers le miroir, un bleu énorme figure sur l'extérieur. Ça vient certainement du moment où je me suis écroulée sur le sol en escaladant la barrière.

En revenant dans la chambre, je constate qu'Ambre n'a toujours pas bougé.

- Je suis crevée mais impossible de fermer un œil, gémit-elle.

- Ça m'a fait pareil.

- Je ne sais pas d'où tu trouves le courage de te lever, je ne veux pas aller travailler...

En temps normal, je lui aurais dit qu'elle peut rester pendant mon absence. Aujourd'hui, j'ai peur pour ma vie et plus longtemps elle restera à ma place dans ce lit, plus la sienne sera aussi à craindre.

- Tu devrais te lever, Edouard ne voudra rien savoir... finis-je par dire.

Elle soupire lourdement avant de se lever avec difficulté. Un café plus tard, nous sortons de l'appartement.

En franchissant le hall de l'immeuble, je suis Ambre jusqu'à l'endroit où elle s'est garée. Quelle n'est pas ma surprise lorsque, passant devant ma place de parking habituelle, je trouve une voiture stationnée à cet endroit. Une voiture qui ressemble trait pour trait à la mienne.

En essayant de l'ouvrir côté conducteur, je la trouve déverrouillée.

- On se retrouve au bureau, lâche Ambre en s'éloignant vers sa place sans réaliser à quel point le fait que ma voiture soit là est anormal.

J'entre à l'intérieur et regarde près du contact puis dans la boîte à gant. Je trouve mes clés à l'intérieur.

Sans attendre, je démarre et me rends  à l'hôtel de vente. Je monte dans mon bureau et me dirige immédiatement vers l'armoire verrouillée dans laquelle j'ai laissé le sac de drogue.

Néanmoins, je constate que la serrure a été forcée. Je l'ouvre avec panique et examine tous ses recoins.

Rien. Parmi tous les documents importants à l'intérieur, seul le cabas a disparu.

Sans vouloir y croire, je sors du bureau et fonce à l'autre extrémité du couloir. Je pénètre en trombe dans le bureau d'Edouard.

- Lys, murmure-t-il avec surprise en levant la tête.

- J'ai laissé un cabas noir dans l'armoire verrouillée avant de partir hier, personne ne l'a touché ?

- Tu es la seule à avoir les clés, non ? demande-t-il, perplexe.

Il a raison.

Je le savais.

Mais j'avais besoin de l'entendre de la bouche de quelqu'un d'autre comme un coup de pied au cul qui me force à réaliser dans quelle merde je me suis fourrée.

Je ressors de son bureau sans un mot et retourne au mien. Je reste à nouveau figée devant la serrure forcée. Mon dernier espoir vient de s'évaporer aussi vite qu'il est apparu.

Une vive angoisse me parvient, amplifiée par le dérèglement neurologique que m'a provoqué la drogue.

Ce n'est pas juste. C'est lui qui disait que je ne pouvais pas m'arrêter quand ça me chante et voilà qu'il me vire et efface toute trace de son passage aussi facilement qu'un souffle.

Je dois changer ma serrure. Ça ne suffira pas, le couteau non plus ne suffira plus. Je dois me trouver une véritable arme.

Le goût du crimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant