Le goût du crime

56 - La promesse

- Lys -

J'ai mal.

J'ai la sensation que ma cage thoracique empêche mes poumons de se gonfler. Je sens mon cœur battre dans mon crâne. Et je n'arrive même pas à avoir une larme qui pourrait me soulager.

Je n'ai pas réussi à le tuer.

Dieu sait combien j'en avais envie, mais je n'ai fait que l'effleurer. Parce que chaque fois que j'avais le doigt sur la détente, prête à tirer, il y avait sa chaleur. Celle qui m'envahit quand je me retrouve contre lui, qui me fait me sentir plus en sécurité que je ne l'ai jamais été.

Son parfum. Celui qui me donne l'impression d'être au coin d'un feu, à ma place, un endroit fait pour moi.

A présent, je n'arrive plus à le regarder sans que ces émotions ne me reviennent en pleine figure, comme un coup de fouet qui me rappelle que tout n'était que mensonge. Et bon sang, j'ai la sensation de brûler de l'intérieur.

C'est vrai, il ne m'a jamais menti. Alors pourquoi est-ce que je n'arrive plus à lui faire confiance ?

Il m'a caché tellement de chose... Pendant tout ce temps...

Assise sur le lit, je plie les genoux pour les tenir entre mes bras dans un geste de réconfort. Mais je me sens toujours seule et toujours aussi mal.

Je regarde en direction de la porte et me demande si Esteban est toujours là.

Il est plus de 2h.

Une partie de moi croit en ce qu'il m'a raconté, prête à adhérer à n'importe quelle excuse qui suffirait à le pardonner.

Je me mords la joue au rythme où mon cœur se serre. Il se contracte doucement, reste ainsi une seconde avant de se regonfler d'un coup sec en pompant le sang de mes veines.

Je n'en peux plus, cette histoire me rend folle. Je dois trouver le moment où ça a déraillé sans que je ne m'en aperçoive.

A l'époque, nous étions fatigués, épuisés par tous les protocoles thérapeutiques que devait suivre ma mère. Excepté mon père. Il n'a jamais abandonné, c'est lui qui a découvert le traitement proposé à l'étranger lorsque le reste n'était plus suffisant. Il a ravivé notre espoir. Jusqu'au montant annoncé...

Il a contacté plusieurs banques pour des prêts mais n'a obtenu que des refus. J'ai multiplié mes heures de travail. Ma mère a lancé des activités à domicile mais elle était vite épuisée. Nous étions dans une impasse.

Un jour, il est revenu avec la somme nécessaire, et bien plus encore. De quoi assurer les nombreux voyages jusque là-bas. D'après lui, une banque avait accepté le crédit si je me portais garante. Il m'avait même fait signer des documents.

Tous faux...

L'échéancier !

Je me redresse avec sursaut et sors brusquement du lit. Je fouille dans les tiroirs de ma commode à la recherche du papier que j'avais demandé à la banque, il y a quelques mois. Lorsque je le retrouve, je déplie le document et en parcours toutes les lignes.

Il avait réellement fait un emprunt. Celui que je continuais de rembourser en versant de l'argent sur son compte.

Il ne l'avait juste pas fait à la date à laquelle je le croyais.

L'échéancier affiche un encaissement postérieur à la mort de ma mère. Il ne l'avait pas fait pour payer ses médicaments, c'était une tentative de rembourser un autre prêt qui l'avait précédé.

Le montant ne correspond qu'à une partie seulement de la somme avec laquelle il était revenu. Celle que les russes lui avaient donnée.

Esteban a raison.