48- La chute

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- Lys -

Je me redresse sur le fauteuil de mon bureau, seul endroit où j'ai gardé un minimum d'intimité depuis que mon appartement a été ravagé.

Cet échange avec Liam m'a mise dans un état second. J'ai l'impression de marcher sur le bord d'un précipice. A vrai dire, je n'arrive même plus à réfléchir.

Je suis encore sidérée.

Sa façon de me parler était si différente, ce n'est pas l'homme que j'ai cru connaître ces derniers jours.

Tu n'es qu'une victime toi aussi.

Ces mots m'enragent.

Alors c'est comme ça qu'il me voyait pendant tout ce temps ? Comme une femme pas assez intelligente pour prendre ses propres décisions ?

Mon père a été condamné alors qu'il était innocent. Ma mère est morte parce que survivre coûtait trop cher. J'en ai juste eu assez d'un monde pareil.

La vie nous laisse rarement des secondes chances.

J'en ai une.

Je peux revenir sur ce choix, aujourd'hui. Décider à nouveau à quoi mon futur pourrait ressembler.

La donne a changé maintenant, entre les autorités et ma nouvelle vie... C'est moi qui dirige l'hôtel de vente. Je n'aurai bientôt plus aucune dette et je serai libre de me reconstruire.

De quelle façon ?

Je me penche et regarde le billet vert sur le bureau.

Pile, je me rends.

Je le dénonce et tout sera terminé. Je pourrais reprendre mon ancienne vie, intègre et affreusement ennuyante, que j'aurai tout donné pour retrouver il y a quelques jours. J'aurai droit à ce futur paisible, sans ennuis.

Si c'est face, je le défends.

Et rien ne pourra jamais plus nous arrêter.

Quel que soit ma décision, il n'y aura pas de retour possible.

Je prends une inspiration et souffle. Le bout de papier s'envole en virevoltant. Mes yeux ne le lâchent pas une seconde tandis qu'il initie sa chute, surveillant la face sur laquelle il s'apprête à tomber.

Si près, plus qu'à quelques centimètres du sol.

Même le bruit de la porte qui s'ouvre ne parvient pas à m'arracher de ce contact. Enfin, jusqu'à ce que le courant d'air qui s'engouffre ne fasse décoller le billet de plus belle. L'élan est tel qu'il disparaît de mon champ de vision en une seconde.

- Je pensais qu'on t'avait tout volé.

Ce simple son suffit pour que mon cœur balance aussitôt au rythme de sa voix.

Je tourne la tête et tombe sur Esteban dans le cadran de la porte. Pour une raison étrange, j'ai la sensation qu'il m'avait manqué. Pendant ce court laps de temps où je l'ai cru mort.

- Tu réapparais enfin, que faisais-tu ? répartis-je en me redressant.

Il claque la porte puis avance doucement jusqu'au bureau.

- Pourquoi t'es pas au manoir ?

- Tu m'as dit de m'y rendre pas d'y rester.

Sa langue caresse ses incisives avec agacement. Il pose les mains à plat sur la table entre nous et se penche dans ma direction.

Le goût du crimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant