3- Le courage

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– Lys –

Je ne m'étais jamais rendue compte à quel point cela pouvait être stressant de changer un pneu. D'autant plus avec les mains tremblantes après avoir échappé à la mort.

Je m'attendais à ce qu'il me suive.

Durant tout le trajet, je n'ai cessé de regarder dans mes rétroviseurs, à l'affût des moindres phares ou du fragile petit piéton qui longe les trottoirs sombres. J'étais bien trop secouée pour appeler Emma et Ambre.

J'aimerai oublier ce qui s'est passé cette nuit-là mais c'est une illusion de croire que j'en serai capable.

Ça fait déjà deux jours et je ne l'ai toujours pas revu. Tant qu'il ne viendra pas réclamer ce que je lui ai garanti de faire en échange de ma vie, je ne serai pas tranquille.

J'arrive enfin chez mon garagiste après qu'il m'ait signalé que ma voiture était prête.

- C'est pour la vitre pétée et le pneu ? demande-t-il en me voyant approcher.

J'hoche la tête. Il s'essuie les mains avant de chercher un document qu'il me tend, accompagné d'un stylo. Je me baisse pour signer dans le cadran.

- Vous êtes sûre de ne pas vouloir contacter votre assurance ? Elle pourra certainement prendre en charge la totalité ou une bonne partie s'il s'agit d'un acte de vandalisme.

- Non, ça ira.

Il scanne mon blazer blanc et ma jupe noire ajustée comme pour confirmer le fait que je sois riche pour me permettre cette réponse.

Je ne suis pas riche, ce sont souvent eux les plus radins. Je gagne bien ma vie mais les deux tiers de mon salaire servent à rembourser des dettes.

Pendant que l'on se tue à la tâche, notre belle patrie vend aux enchères les biens de ses citoyens les plus pauvres. C'est ce qui nous a obligés à déménager après la mort de ma mère.

Une commissaire-priseur qui a elle-même était saisie, le comble !

Heureusement, tout cela s'est passé au nom de mon père. Edouard est le seul à connaître cette partie de ma vie dans l'entreprise.

Je reprends les clés de ma voiture avant d'y monter. Un frisson me parcourt l'échine en m'asseyant. J'ai encore l'impression qu'il est là, sur le siège d'à côté en train de pointer son arme sur ma tempe.

Il sent le bois brûlé, comme une forêt à laquelle il aurait mis feu en ne laissant qu'un désert de cendres sur son passage.

Je remue la tête, prends une inspiration et tourne les clés pour lancer le moteur. Je revois les phares s'allumer en retraçant sa silhouette.

Il est là, me regarde. Le bras tendu sans remuer d'un millimètre.

Un bruit sur ma vitre me fait sursauter. Je me tourne et aperçois le garagiste en train de faire signe à ma fenêtre. J'appuie sur le bouton pour la baisser.

- Vous avez oublié les papiers de la voiture sur le comptoir.

- M-merci.

J'attrape la carte grise et l'assurance puis les dépose sur le siège passager avant d'appuyer sur l'accélérateur. Je ne dois pas réfléchir, juste conduire jusqu'à chez moi comme je l'avais fait ce soir-là.

Je ralentis à chaque intersection en m'attendant à ce qu'il surgisse de nulle part. Lorsque j'arrive, le soleil a fini de se coucher et il fait nuit.

Je parcours les couloirs sombres de mon immeuble avant de m'arrêter à ma porte. C'est le genre qui se verrouille dès qu'elle se ferme. J'angoisse à l'idée d'oublier mes clés à l'intérieur mais, au moins, je n'ai pas à me demander si je ne l'ai pas laissée ouverte pendant le reste de la journée.

Le goût du crimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant