31- La frayeur

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- Esteban -

A présent que les serbes ne représentent plus une menace et que le dossier de Kahil Bozkurt a été classé, je peux enfin me consacrer aux affaires.

Sans oublier le stock de cocaïne des turcs à écouler avant qu'on reçoive la prochaine livraison. Ça permettra d'éviter le port pendant un temps. Le risque est indissociable du métier mais il faut savoir reconnaître quand c'est nécessaire.

Une part de l'argent est écoulée via le Pandémonium, un nightclub réputé de la ville, et un faible pourcentage reste pris en charge par des entreprises factices domiciliées à l'étranger. Cette deuxième façon devient trop risquée.

D'un autre côté, si l'argent est pas blanchi alors le profit reste virtuel et je peux rien en faire. Je compte donc sur les enchères pour amortir l'augmentation d'activité et supplanter ça. Ce qui justifie le rachat de l'hôtel des ventes.

S'il aura suffi à Lys de recruter une de ses collègues pour augmenter les sommes, lui offrir la gestion de toute l'entreprise devrait permettre ce changement.

Autre élément à régler avant de tout mettre en place : Arthur Daunely. Cet homme est une putain d'épine qu'il faut que j'arrache.

La famille est ma seule foi, je comprends l'acharnement de Lys pour son père. Mais ça m'empêche pas d'avoir un mauvais pressentiment et ça s'est pas arrangé depuis que j'ai lu le dossier de son arrestation.

Il a plaidé coupable et l'arme porte ses empreintes. J'ai vu pas mal de gens arrêtés pour moins que ça mais là, je soutiens la décision du juge.

Ce serait pas le premier criminel à qui j'aurai rendu sa liberté. En revanche, une discussion s'impose pour mesurer à quel genre j'ai à faire.

Je gare la Maserati et entre dans le pénitencier. Les gens comme moi font tout pour se tenir à distance mais voilà que je m'y rends de mon plein gré.

C'est à retourner mon grand-père dans sa tombe.

Arthur est assis, appuyé sur ses coudes en remuant la jambe droite avec angoisse. Quand j'arrive à son niveau, ses yeux s'ouvrent grands et restent attentifs au moindre mouvement, comme une proie devant un prédateur.

- Q-qui êtes-vous ? décoche-t-il après que je me sois installé à sa table.

- Un ami de Lys.

- C'est vous qui avez fait passer le téléphone ? demande-t-il dans un murmure.

Un rictus d'agacement m'échappe.

- Non.

- J-je ne comprends pas. Que me voulez-vous ? Pourquoi êtes-vous ici alors ?

Je me penche dans sa direction et prends une expression qui lui laisse mesurer l'amplitude de la situation. Il remue pas, sauf sa tête qui s'enfonce un peu plus entre ses épaules.

- Pourquoi vous ne voulez pas sortir, Arthur ?

Ses lèvres tremblent une ou deux fois avant qu'il se reprenne.

- Q-quoi ? Bien sûr que je veux sortir. Si je pouvais... Avez-vous vu mon état ? ajoute-t-il en pointant la mauvaise cicatrisation de son sourcil.

Il s'est pris un coup et, vu l'état de l'arcade, les phalanges de l'homme qui a frappé doivent être aussi moches. Ça devait en valoir la peine, on donne pas un coup pareil juste par plaisir.

S'imposer en prison est pas facile, encore moins quand on tient tête à la mauvaise personne. A présent, je sais d'où vient le caractère de Lys.

- Vous avez pourtant plaidé coupable et je suis certain que vous étiez au courant pour les délais d'appel. C'est vous qui avez fait en sorte que Lys s'en rende pas compte, pas vrai ?

Le goût du crimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant