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— Aujourd'hui nous accueillons une nouvelle élève, annonça vaguement M.McCall, le prof d'Histoire, en fouillant dans sa sacoche.

Au vu de la montagne de polycopiés qu'il en tirait, on aurait pu la croire assez profonde pour l'engloutir. En comparaison, il était minus.

— Voulez-vous bien vous présenter, Mlle Latour ?

— Je ne crois pas que cela soit nécessaire, murmurai-je en évitant de croiser les regards braqués sur moi.

— Juste quelques mots.

Je me tournai vers la classe et la rumeur étouffée que j'entendais courir d'un bout à l'autre de la salle s'évanouit d'un coup. Les garçons paraissaient s'intéresser à moi de trop près. Sans doute parce qu'en plus de ma plastique avantageuse, j'avais pour eux l'attrait de la nouveauté.

A contrario, les bouches en cul de poule de mes congénères me semblèrent plus hostiles. Je constituai une rivale potentielle dans leur basse-cour.

Ouf !

Elles me feraient certainement grâce des pyjama parties et du brossage rituel de cheveux qui accompagnait les confidences sur les premiers baisers... Enfin, ça, c'était en me référant à mes connaissances vieilles de quarante ans, depuis longtemps obsolètes.

Si on en croyait les associations puritaines invitées sur les chaines d'info, il fleurissait aujourd'hui un nouveau genre de fêtes. Sans faire étalage des anecdotes sordides décrites à l'envi par ces bien-pensants, disons qu'ils faisaient état d'une multiplication des risques. Exit le slow et les boules à facettes ! On était passé de la mononucléose « mignonne » à ... des infections que l'on préférait rassembler sous un sigle plutôt que d'avoir à les imaginer une à une en détail...

— Miss Latour ? me secoua McCall.

Je revins à la réalité, un vrai cauchemar.

— Heu... Je m'appelle Eléonore et je viens de... New York. Voilà.

Je préférais peaufiner mon speech avant d'en dire trop. Je me ruai au fond de la classe jusqu'à une table miraculeusement vide, dans un coin.

Je passai le reste du cours les yeux rivés sur la trotteuse de ma montre. Son rythme semblait ralentir chaque fois que McCall ouvrait la bouche. Je connaissais l'Histoire par cœur, et pour tout dire, elle n'avait rien d'amusant. Des guerres. Des morts. Des vainqueurs et des vaincus. Voilà le résumé de Latourpédia – mon encyclopédie perso. Sans compter que le ton monocorde du prof aurait presque rendu enviable le sort de ceux ayant péris sous les éclats d'obus...

Je crus bien m'être endormie lorsque des raclements de chaises sur le sol me firent sursauter. Dans cette agitation qui annonçait la fin de l'heure, McCall nous enjoignit à lire son polycopié pour la prochaine fois, luttant pour se faire entendre par-dessus les bavardages. Puis la sonnerie retentit encore, telle une perceuse qu'on m'aurait enfoncé dans le tympan.

Une bonne moitié des élèves s'empressèrent de ramasser leurs affaires et de quitter la classe. Jugeant avoir suffisamment enduré pour la journée, je décidai d'en faire autant. Je froissai en boule le polycopié, le jetai au fond de mon sac et me levai.

Arrivée, au seuil de la liberté, un enquiquineur me barra la route. Et moi qui priais pour que personne ne remarque mon absence... Mais il était probablement trop optimiste d'espérer que des adolescents aux hormones en ébullition ignorent une paire de jambes dénudées cherchant la sortie.

— Tu sais dans quelle salle tu as cours ?

De quoi je me mêle ?!

— Je vais bien finir par trouver !

Lips As Red As Hell [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant