38-

103 25 45
                                    

Sleep - The Dandy Warhols

D'après les médecins, mon traumatisme crânien n'était qu'une simple commotion cérébrale qui ne devrait pas me laisser de séquelles – youpi ! Et grâce à la transfusion sanguine que j'avais subie, je serais rapidement sur pieds selon eux.

Sur leurs conseils, je restai néanmoins en observation pour que mon état se stabilise, et qu'ils puissent retirer les bandages autour de mon crâne.

Durant ce temps, Rendall passa me voir plusieurs fois par jour. Il m'avait déjà rapporté les quelques effets personnels qui avaient été restitués par la police – mon téléphone et les clefs de mon appartement. Le reste avait péri, je ne sais de quelle façon, et je m'en fichais.

Ses visites se faisaient à des horaires irréguliers, j'étais donc constamment en alerte. Chaque fois que j'entendais quelqu'un approcher dans le couloir, j'éteignais la télévision et fermais les yeux, priant si c'était lui pour qu'il me croit endormie, ou morte. Mon subterfuge fonctionnait une fois sur deux, du coup, j'étais forcée de lui tenir le crachoir, alitée que j'étais.

Mes camarades vinrent également me rendre visite, à l'exception d'Ethan.

— Il ne t'en veut pas, tenta de me rassurer Cassie en se tortillant les doigts.

— Vraiment ?

— Il a beaucoup de choses à gérer, tu sais !

Elle avait détourné les yeux, et je devinai qu'elle mentait sur toute la ligne. Comment Ethan pouvait-il être en colère contre moi ? C'était un accident ! Dans l'histoire, je n'avais cherché qu'à éviter la collision.

— Où étais-tu passé pendant tout ce temps ? déviai-je en mordant dans un des chocolats qu'elle m'avait offerts.

— Je n'avais que quelques contusions, alors mes parents sont venus me chercher le soir même. Et les deux jours suivants, ma mère m'a défendu de mettre un pied hors de la maison. Elle m'escorte partout maintenant. (Décelant mon incrédulité, elle hocha vigoureusement la tête.) Si, si, je t'assure. Là, elle est à la cafétéria, ajouta-t-elle avec exaspération.

— Elle s'inquiète pour toi, c'est tout.

Cassie secoua la tête, excédée. Ne souhaitant pas m'attarder sur ses relations familiales dysfonctionnelles, je lui demandai plutôt comment on nous avait transporté jusqu'ici. Elle m'expliqua qu'un hélicoptère de secours nous avait pris en charge, et même qu'il s'était posé juste après que je perde connaissance. J'acquiesçai parce que ça tombait sous le sens. Si on avait fait le trajet en ambulance, je serais décédée à l'heure qu'il était...

— Et le conducteur du camion ?

— Pas encore retrouvé. Une enquête a été ouverte pour homicide involontaire, délit de fuite et non-assistance à personne en danger...

Eh bien... Ça en faisait des chefs d'accusation...

Cassie se tourna vers la fenêtre, marquant une pause.

— L'enterrement aura lieu vendredi.

Un sentiment d'appréhension me gagnait soudain.

D'ordinaire, ce genre d'événement ne me concernait pas. Je ne fréquentais personne d'autre que les indécis dont je fauchais les âmes, et je ne me rendais jamais à leurs funérailles. Cette fois, c'était différent. Je n'imaginais pas éviter cette épreuve. Même si, secrètement, je comptais sur une rechute opportune pour m'en dispenser.

Cassie n'était pas restée longtemps. J'avais prétexté être fatiguée, et elle n'avait pas cherché à me contredire. Ainsi, je passai le reste de la journée à pleurer en songeant à Petterson et Sarah ; celle dont malgré moi j'avais causé la mort, et celui dont je ne parviendrais à sauver la vie. À cette double pensée, les larmes abondèrent.

Je n'avais plus la résilience d'antan. J'étais trop éprouvée pour affronter ce nouveau coup du sort, ce tournant dramatique que ma vie s'échinait à prendre, une fois de plus.

***

Deux policiers se présentèrent au beau milieu de l'après-midi suivante afin de recueillir ma déposition. Je me pliai à l'exercice, tachant de l'écourter par des phrases brèves et catégoriques. Je n'avais rien vu d'exploitable pour l'enquête, et la présence des forces de l'ordre dans ma chambre me rendait nerveuse. À cause de Reg notamment – et aussi des autres assassinats. Les questions se limitèrent toutefois à la soirée de l'accident, et comme mes analyses toxicologiques n'avaient pas démontré d'alcoolémie ou de traces de stupéfiants, et que ma version corroborait celle de Cassie, ils ne m'embêtèrent pas longtemps.

Le jeudi matin, enfin, sonna la libération. Mais je n'étais pas sereine. Je redoutais le passage par la réception pour signer la paperasse. Je m'attendais plus ou moins avec fatalisme à essuyer des regards, voire des remarques désobligeantes de la part de Tanya sur ma mine affreuse, ou l'ironie d'être à mon tour hospitalisée.

Aucun des scénarios terribles et humiliants que j'avais imaginés ne se produisirent pourtant. En arrivant devant le bureau, je découvris sa collègue habituelle flanquée d'une dame d'un certain âge. Je ne l'avais jamais vue – une nouvelle ? Une remplaçante ?

Trop heureuse d'échapper à la harpie, je ne demandai pas mon reste. Je m'empressai de signer toutes les factures et papiers d'assurance qu'on me présenta, sans juger utile d'en lire une seule ligne. À un moment, je faillis demander si Tanya risquait de revenir, parce qu'à mes yeux ça relevait d'un risque – pas d'une possibilité –, mais je me ravisai. Bien sûr qu'elle allait revenir ! Son petit ami habitait ici, elle ne risquait pas de déménager. En tout cas, pas tant qu'il serait vivant. Ce qui n'allait pas durer...

Cette sinistre pensée éloigna Tanya de mon esprit, mais y ramena directement Petterson. Dès lors, je sus qu'il ne le quitterait pas de la journée, tout comme la tristesse qui me semblait vissée au corps.

Lips As Red As Hell [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant