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Chakra - Fakear

Agrippée à mon bras, Cassie refusa de me libérer avant qu'on soit pile au milieu de l'agitation, entourées de jeunes et de... moins jeunes. Leurs regards me mettaient mal à l'aise. Cassie me sourit et commença à onduler langoureusement, les bras levés.

— Allez, lâche-toi ! me cria-t-elle. Rien à faire des gens, regarde !

Ses mouvements se firent saccadés, ridicules.

Poussée par ses encouragements, je me laissai aller. Calant mon rythme sur celui de la musique, j'essayai de faire abstractions des regards masculins, de plus en plus insistants depuis que je me déhanchais. J'étais loin d'être une experte en danse, mais cela importait peu à ce genre de charognards. Je tirai sur le poignet de Cassie et la ramenai devant moi afin de bloquer l'offensive d'un pervers, plus entreprenant que les autres.

Même si la sensation d'être désirée m'avait grisée au cours de mes premières années d'immortalité, elle n'avait pas tardé à me lasser. Le fait que mon cristal me serve mes rêves les plus fous sur un plateau d'argent leur faisait perdre toute saveur. Au mieux chassaient-ils quelques instants mon indifférence pour me donner l'impression d'être encore en vie. Une bien maigre consolation face à la solitude, principal écueil de mon existence.

Cela ne tenait qu'à moi, il est vrai.

Trouver un petit ami ne posait pas de problème ; ça se bousculait comme au premier jour du Black Friday ! Seulement, mon immortalité rendait impossible les relations durables. À terme, ça m'obligerait à abandonner ma jeunesse éternelle, ou à devenir... veuve. Deux possibilités auxquelles je me refusais.

Bien sûr, j'aurais pu sortir avec une Mort – au masculin. J'en croisais rarement cela dit, et n'avais jamais été attirée par l'une d'elles.

Restaient les relations éphémères. À l'époque où elles étaient jugées amorales, je les avais écartées. Mais aujourd'hui – au siècle où les relations se défont en moins de temps qu'il n'en faut pour changer de statut sur facebook –, sans doute auraient-elles constitué une alternative acceptable si... je n'avais pas rencontré Cameron. Car notre rencontre avait tout bouleversé. Elle m'avait réconciliée avec ce rêve suranné de relation stable. D'amour éternel.

Avec Lucifer, je pouvais être moi-même. Nul besoin d'inventer mensonge sur mensonge concernant mon travail, mon passé, ma vie. Le bonheur à portée de main, ou presque. À cause de Clarke, j'étais de retour à la case départ, obligée de remettre à plus tard mes espoirs sentimentaux. Comme si plus de deux siècles d'attente n'avaient pas suffi...

Exaspérée par les mains baladeuses qui trainaient à proximité directe de mes fesses, je quittai la piste. Cassie était trop survoltée pour le remarquer. Elle tournoyait sur elle-même, les yeux clos. Je la laissai dans son monde et regagnai la table enfin garnie de nos boissons.

Le décor restait inchangé : Charlie tenait toujours la chandelle aux deux inséparables. Leurs langues ne semblaient pas pouvoir demeurer plus de quelques secondes dans leurs bouches respectives.

— Tu nous avais caché tes talents de danseuse ! me lança Charlie, sûrement ravi de trouver quelqu'un capable de produire autre chose que des bruits de succion.

— De « trémoussage », tu veux dire ?

— Oh, c'est pareil !

Je m'assis, considérant les deux verres qui restaient supposément non entamés. Celui face à moi était à rempli à la moitié, et je relevai des traces de lèvres sur le rebord.

Les mains enfoncées dans les poches de son sweat noir, Charlie prit un air penaud.

­— J'avais super soif, désolé, dit-il en montrant sa bière vide. J'allais t'en payer un autre !

Lips As Red As Hell [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant