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TW : Suicide. Je réitère cet avertissement : cette histoire ne cherche ni à encourager ni à glorifier  le suicide ou les tentatives de suicide. Il s'agit d'une oeuvre s'inscrivant dans un univers fantastique, ce thème est donc traité dans ce contexte particulier. Si vous souffrez de troubles psychiques, cherchez de l'aide auprès de vos proches et/ou de professionnels de santé.

99 Luftballons - Nena

Durant le reste du mois d'octobre, je n'eus aucun contact avec Cameron. Les semaines s'écoulèrent au rythme de mes idées noires. J'avais envisagé toutes les « solutions » possibles et imaginables. Et par solution, j'entendais moyens d'en finir définitivement. Ma derrière short-list comprenait donc : la pendaison, la noyade, la défenestration, l'immolation par le feu, et même un ultime saut depuis le Golden Gate Bridge. J'avais aussi considéré l'idée, un bref instant, de me couper les veines dans une baignoire remplie d'eau chaude. Seule ombre au tableau, je n'avais pas de baignoire. Quant à emprunter celle d'une autre personne, c'était de mauvais goût.

Et puis, je m'étais vite rendue à l'évidence. Toutes ces méthodes étaient irréversibles. Pour m'assurer de mon retour, mon corps devait rester dans un état convenable – terme bien imprécis, je le reconnais. En désespoir de cause, je m'étais tournée vers une méthode plus soft, et surtout, plus propre : l'overdose médicamenteuse. Mais attention, là encore, il ne fallait pas ingurgiter n'importe quelle substance, au risque de finir à l'état de légume plutôt qu'à celui de cadavre.

Après maintes recherches sur des sites web tous plus glauques les uns que les autres, j'avais fini par tomber sur un article mentionnant un produit miraculeux : le thiopental. Longtemps prisé des célébrités un peu trop enclines au spleen, ce barbiturique était maintenant utilisé par les autorités pour un tout autre usage. Enfin... la finalité demeurait la même, c'est juste que les condamnés n'avaient pas vraiment le choix, eux ! Bref.

Niveau efficacité, je n'avais pas de soucis à me faire. Le plus difficile restait d'en dégoter. Inutile de mentionner que ce « médicament » n'était ni en vente libre, ni même délivré sur ordonnance. C'est pourquoi j'avais été obligée de faire le tapin, au sens figuré, dans les quartiers les plus sombres et terrifiants de San Francisco. Grâce à ma chance légendaire, je n'avais pas tardé à entrer en contact avec un dealer. Et après plusieurs semaines d'attente, il avait réussi à dénicher un flacon de la précieuse solution. Voilà comment je m'étais retrouvée à grelotter de froid devant une petite frappe sans envergure...

— Trois-mille ! avait-il tenté de m'extorquer en balançant son mégot sur le bitume.

— Tu m'avais dit deux-mille, la dernière fois ! m'étais-je indignée avec force, en faisant comme si je n'étais pas inquiète de me trouver dans cet endroit sordide, seule.

En vérité, je tremblais comme une feuille et ne pensais qu'à rentrer chez moi, m'enfermer à quadruple tour, et regarder un Disney emmitouflée dans un plaid !

— J'ai dû graisser la patte à plusieurs personnes.

En réponse à mon air dubitatif, et sans doute apeuré, il avait croisé les bras et relevé la tête. Suffisamment pour que je devine, sous sa capuche, les contours de son visage rongé par le crack et les amphets. À la lumière grésillante du réverbère hors d'âge qui faisait office de lieu de rendez-vous, le résultat faisait froid dans le dos.

— À prendre ou à laisser.

Afin de ne pas m'éterniser, je n'avais pas cherché à négocier plus que ça. Je lui avais tendu l'argent, et en échange, il m'avait glissé le flacon dans la main.

— Tu vas en faire quoi ? m'avait-il demandé d'une voix éraillée avant que je ne regagne la rue principale.

— Tu ne veux pas le savoir, lui avais-je répondu par-dessus mon épaule.

Le temps que je fasse quelques pas, et me retourne de nouveau, il avait disparu. Pendant plusieurs secondes, je l'avais cherché du regard, sans succès. Le parking de cette usine désaffectée était désert. Je n'avais même pas entendu le bruit de ses pas. Il s'était volatilisé, comme avalé par l'obscurité.

Pas franchement emballée par la perspective de me faire avaler à mon tour, j'avais accéléré l'allure. En entendant des bouteilles de verre rouler sur le sol, et des voix m'apostropher depuis la rue d'en face, j'avais presque commencé à courir. Et lorsque j'avais enfin atteint le grand boulevard, je m'étais carrément mise en travers de la route pour arrêter un taxi.

Une fois en sécurité dans l'habitacle, toutes portières verrouillées, mes doigts s'étaient desserrés autour du flacon de thiopental. Pendant le trajet, je l'avais étudié d'un œil inquiet, pleinement consciente que ces quelques millilitres incolores me rapprochaient un peu plus de la mort.

***

31 Octobre.

Ce soir, c'était le grand soir.

Ma robe bustier, arrivée de L.A quelques jours auparavant, me comprimait les côtes. Sa coupe, très ajustée, avait le mérite de mettre en valeur ma poitrine. Il fallait l'admettre, le travail réalisé par la couturière était remarquable. Un large ruban en cuir me cintrait la taille, et tandis que la robe descendait jusqu'à mes chevilles, elle était largement fendue sur le côté. Cela laissait apparaître furtivement une partie de mes jambes, sans trop en dévoiler. C'était un compromis parfait entre glamour et sobriété. Le noir du tissu s'accordait non seulement à mon personnage, mais aussi aux récents évènements.

En toute franchise, lorsque j'avais ouvert le carton contenant mon costume, je n'avais pas envisagé un seul instant de me rendre au bal. Le décès de Sarah flottait encore lourdement dans l'atmosphère du lycée, ainsi que dans les regards des élèves. C'est Cassie qui y tenait. Pour elle, il s'agissait d'honorer la mémoire de Sarah. Elle savait combien cette fête comptait pour son amie. Et la bonne poire que j'étais n'avait pas eu le cœur de refuser de l'y accompagner.

Je pinçai les lèvres en rebouchant le tube estampillé Dior. Je tapotai l'écran de mon téléphone posé sur la table de chevet pour surveiller l'heure. Sans surprise, mon retard n'avait fait que s'accroitre tandis que j'avais changé deux fois de chaussures puis trois fois de coiffure. Au bout du compte, j'avais opté pour un style sans fioritures : de banals escarpins et les cheveux lâchés sur les épaules. C'était simple, efficace. Pourtant je n'avais pas levé le camp. Je restais plantée devant mon miroir, retardant indéfiniment l'heure du départ, ce que Cassie me ferait payer à coup sûr.

Pour conjurer la tentation grandissante qui montait en moi, (celle d'abandonner cette fête stupide, pour être claire,) je pris une profonde inspiration. Il fallait vraiment que je décolle. Plus je repoussais le moment de partir, plus il devenait probable que je décide conjointement de rester à la maison et de bloquer le numéro de Cassie. Chose impardonnable, j'en avais conscience.

Lorsqu'une notification sonore retentit en provenance de ma table de chevet, je sursautai puis me précipitai sur mon téléphone.

T'ES OÙ ?!

J'arriiiiiiiiiiiiive !! répondis-je pour faire taire les impatiences de Cassie.

Et là... pas le choix, j'enclenchai la cinquième. Je passai autour de mes épaules la cape noire étendue sur le lit et rabattis la capuche sur mes cheveux. Au pas de course, je filai vers l'entrée. J'attrapai au passage la faux que j'avais dénichée sur ebay.

Ça y est, c'était parti pour une soirée d'enfer...

EN enfer, corrigea ma conscience, narquoise.

Lips As Red As Hell [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant