House of the Rising Sun - The Animals
Un silence total régnait dans la voiture. L'adrénaline retombée, j'en profitais pour faire le point. Durant le weekend, rien ne s'était déroulé comme prévu. Mais en dehors des derniers rebondissements, ça n'avait pas été si terrible. Il y avait même eu de bons moments. Je crois que je commençais à m'habituer à la présence des lycéens. Irais-je jusqu'à dire que je les appréciais ? Sans doute pas. À peine osais-je envisager l'idée.
— Eléonore ? murmura Sarah, d'une voix peu assurée.
Comme pour confirmer la fin des tensions, elle avait tenu à monter avec Cassie et moi. Charlie avait préféré rouler avec Duncan, sans doute effrayé par autant de paires de chromosomes X réunies dans une si petite voiture. Les sièges en cuir, inclinables, du Hummer, avaient également dû peser dans la balance. Surtout quand on pensait à la longue nuit qui nous attendait...
— Oui ? répondis-je en cherchant le regard de Sarah dans le rétroviseur.
— Je tenais à ce que tu saches que je suis désolée, dit-elle en baissant la tête. De m'en être pris à toi aussi injustement au Blueberry. Tu ne méritais pas ça.
C'est le moins qu'on puisse dire...
— C'est de te voir si proche de Cassie, reprit-elle après un silence embarrassé.
Proche ? N'exagérons-rien...
Par ailleurs, en quoi cela pouvait-il déranger Sarah ?
— Nous étions fusionnelles, expliqua-t-elle, jusqu'à ce que... que...
— Qu'elle se mette en couple avec Ethan, après qu'il m'ait larguée, acheva Cassie.
Ses mots étaient durs mais je ne percevais aucune amertume dans sa voix.
— Oui, c'est ça, reconnut la brune. En vous voyant toutes les deux, j'ai eu l'impression que tu avais pris ma place.
— Je suis désolée, balbutiai-je. Ce n'était pas mon attention.
— Je sais. Et tu n'es pas la seule ici à qui je dois des excuses. Cassie... c'est toi que j'ai blessée en premier lieu. Je me suis comportée comme une conne. Je ne sais pas si les choses pourront un jour redevenir comme avant...
— Je ne le sais pas non plus, admit Cassie, les lèvres pincées.
Je me tournai vers elle, stupéfaite de la voir ainsi rejeter cette déclaration d'amitié. A moi, on ne m'en avait jamais faite. Et considérant le tempérament froid et distant de Sarah – pas si éloigné du mien – je devinais l'effort que représentait un tel aveu.
— Mais rien ne me ferait plus plaisir, avoua Cassie avec un début de sourire.
Dans le rétroviseur, je discernai des trainées brillantes ruisseler sur le visage de Sarah. Je reportai de suite mon attention sur la route, mal à l'aise d'assister à ces débordements émotionnels en cascade. Ils faisaient jaillir en moi une étincelle que je redoutais. Chaque fois que ça se produisait, elle illuminait davantage le brouillard sombre dans lequel s'était éteint mon cœur, et pour tout dire, je n'étais pas totalement prête à sortir cet état de désaffection. Car aussi agréable que ça puisse être, de ressentir profondément les choses, j'étais aussi consciente qu'en éclairant le pan calme et heureux de mon âme, cette lueur risquait de dévoiler l'autre, triste et tourmenté. De cette simple flammèche incendiaire pouvait partir un brasier dévastateur. Mes émotions étaient vives, parfois violentes, incontrôlables, c'est pourquoi je les gardais sous clé.
Je portai ma main à ma bouche pour retenir un bâillement. Nous roulions déjà depuis environ quatre heures. Je sentais mes paupières s'alourdir dangereusement. La Cassie assise à côté n'avait plus rien à voir avec la fille surexcitée et volubile qu'elle était la veille. La tête contre la vitre, elle regardait l'extérieur, pensive.
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Lips As Red As Hell [TERMINÉ]
ÜbernatürlichesQuand la Mort débarque au lycée... Figée dans ses vingt-et-un printemps depuis des siècles, Eléonore mène à San Francisco une vie seulement rythmée par son travail : faucher des âmes. Sa routine est aussi plate que l'encéphalogramme d'un cadavre et...