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Blouson Noir - Aaron

La première chose qui me frappa fut la piste de danse, noire de monde. La fumée qui flottait au niveau des jambes donnait l'impression que les élèves lévitaient au-dessus du sol. Les ringards, et plus largement, tous ceux qui étaient trop timides pour se déhancher, s'agglutinaient près d'un bar aux néons verts, aménagé à droite de la piste. Sur l'estrade, un DJ d'une trentaine d'années — vraisemblablement un professionnel— mixait avec entrain, casque vissé aux oreilles. Contre les murs, des cercueils étaient adossés et des pierres tombales servaient de sièges d'appoints à quelques couples en mal d'intimité.

— On va se chercher à boire ? proposa Cassie, moins à l'aise qu'auparavant.

— Carrément !

Je présageais pourtant qu'on ne me servirait pas ce dont j'avais désespérément besoin à cet instant : de l'alcool, fort de préférence. Je suivis néanmoins Cassie dans la foule. Sa silhouette disparaissait par moment, entre les éclairs de lumières qui se répétaient en rythme.

Lorsqu'on atteignit le bar, mon intuition se vérifia. Deux tristes saladiers de punch et de jus de raisin trônaient derrière le comptoir. Après tout, c'était la loi. Le goût de l'amertume se diffusa tout de même dans ma bouche. Je me retournai vers la salle, pendant que Cassie tentait de se faire remarquer par le barman, ce qui n'allait pas tarder vu son accoutrement.

En observant la masse d'élèves qui se balançait au gré des notes, mon regard en croisa d'autres, durs et accablants. Un peu partout, éparpillés aux quatre coins de la salle, je découvris la même hostilité, toujours dirigée vers moi. Depuis l'étage qui surplombait la piste, je vis même trois clowns qui me riaient au nez. Derrière les traits grimés, je reconnus les visages narquois de camarades de classe.

— Génial ! J'ai déjà envie de partir, soupirai-je, l'estomac retourné.

Suivant mon regard, Cassie m'attrapa l'épaule.

— Ce n'est pas toi qu'ils regardent.

— Ah non ? maugréai-je.

— Non, je t'assure. Ils regardent au hasard, dans le vide, persista-t-elle en écarquillant les yeux tel un poisson mort. Comme ça, tu vois ! (Malgré moi, je souris, brièvement.)  Bon, punch ou jus de raisin ?

Impatiente d'obtenir une réponse, Cassie se retourna une fois de plus dans ma direction. Puis, elle aperçut avec effroi ce que j'avais déjà repéré et son visage se ferma. Grace et son trio de vipères descendaient les escaliers, un air mauvais sur leurs figures pales. Elles fondirent sur nous à une telle vitesse que nous n'eûmes pas le temps de battre en retraite.

Partant d'un rire de hyène, Grace attaqua la première.

— Tu ne trouves pas ça ironique comme déguisement, Latour ? Enfin, je veux dire... après avoir buté cette pauvre Sarah, paix à son âme !

Ma main se resserra autour de ma faux. Une bouffée de haine explosait dans mes veines. Elle balaya d'un coup le malaise que je ressentais. Rouge de colère, je tendis une main vengeresse lorsqu'un bras puissant s'enroula autour de ma taille.

— Et toi tu ne trouves pas ça ironique d'avoir une face de rat ? balança Charlie.

En léger retrait de Cassie et moi, il nous serrait fermement. Le sens de sa phrase demeurait obscur et bancal, mais ça sonnait méchamment bien à mes oreilles.

Sûre d'elle, Grace s'avança davantage. Sans ciller, elle lui flanqua un coup de pied dans le tibia, son visage potelé se tordant en une moue d'excuse.

— Oups.

Son attention se décolla alors de Charlie, plié en deux, pour dériver vers Cassie. Grace la reluqua de bas en haut.

Lips As Red As Hell [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant