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Carry You - Novo Amor

L'habitacle était silencieux. Depuis notre départ, on n'avait pas dû échanger plus de trois phrases. David regardait obstinément devant lui, mais je voyais bien qu'il commençait à s'endormir.

La nuit était déjà bien avancée. Nous venions de dépasser Savannah en Géorgie et je n'avais pas sommeil. Mon cerveau bouillonnait.

Pourquoi Clarke convoitait-il l'âme du fils de Lucifer ? Cela avait-il quelque chose à voir avec le fait qu'il soit un affranchi ? Et qu'est-ce que cela signifiait au fond ?

Des questions, encore des questions...

— Tu tombes de fatigue, observa David. On devrait s'arrêter quelques heures.

Je retins un bâillement.

— On n'a pas le temps.

— Alors laisse-moi le volant, ça fait des heures que tu conduis.

— Ça va, je t'assure. Et puis... tu ne sais pas où on va.

David se tourna vers moi.

— Je croyais qu'on allait à New York ?

Pourtant, je le savais pas dupe. Il était assez intelligent pour avoir compris qu'on n'allait pas faire dix-neuf heures en voiture au beau milieu de la nuit pour rejoindre New York, quelle qu'en soit la raison. Alors, j'imagine qu'après tous ces mensonges, ces faux semblants, on y était finalement, au pied du mur. Face à cette réalité glaçante, insurmontable.

— Tu te souviens à Halloween, quand tu m'as dit que tu pourrais me croire assez vieille pour avoir côtoyé Choderlos de Laclos ?

Il fronça les sourcils.

— Qu'est-ce que ça vient faire là-dedans ?

J'inspirai un grand coup pour me donner du courage. À cet instant, j'en manquais cruellement. Quand je repris, ma voix n'était plus qu'un sombre murmure.

— Tu avais raison. Je ne suis pas celle que tu crois.

David ouvrit la bouche pour objecter. Je me tournai complètement vers lui, la mine grave, et il se ravisa. Il me fixait, soudain précautionneux, comme si une partie inconsciente de lui-même avait déjà compris que tout allait basculer...

— Tu commences à me faire peur, Eléonore.

— Je sais, acquiesçai-je les yeux brulants de larmes. Tu auras sûrement des milliers de questions, mais il faut que tu me laisses aller jusqu'au bout sans m'interrompre. Tu veux bien ?

Il opina du chef, à présent aux aguets.

Je pris à nouveau une profonde inspiration, ravalant mes larmes. Mes entrailles se tordaient sous la pression. Sous le poids des mensonges.

Je restai silencieuse quelques instants, le temps de trouver la meilleure façon d'aborder les choses, en vain. J'imagine qu'il n'y avait aucune bonne façon de s'y prendre pour annoncer de telles horreurs. Alors je débutai le plus simplement du monde :

— Je m'appelle Eléonore Marie Claire De La Tour. Je suis française.

David hocha lentement la tête pour m'indiquer qu'il acceptait l'information.

— Je suis née en Bretagne le 16 décembre 1766.

J'avais adopté un ton monocorde, dépouillé de toute émotion, pensant naïvement que ça pourrait l'aider à ingurgiter tout ça. Mais je crois qu'à ce moment précis, rien n'aurait pu l'y aider. David ne bougeait plus d'un cil, et je mettais ça sur le compte du choc.

Lips As Red As Hell [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant