Stan Didox TikTok (remix) - ROSE BEAT
Quand je rouvris les yeux, j'étais à terre. Au propre comme au figuré. Recroquevillée sur moi-même. En moi-même. Percluse d'une douleur dont je n'arrivais pas à déterminer la nature, ni l'origine.
Au travers de la noirceur alentours, j'entendis des pas s'approcher. Je battis des paupières. Deux iris froides flottaient au-dessus de moi.
— N'oublie jamais que tout est de ta faute, siffla une voix de serpent.
En arrière-plan, je crus reconnaître celle de Sydney.
— Est-on vraiment obligés de faire ça ?
— Je le crains, ma chère. Elle nous a exposé.
— Et si on effaçait leur mémoire ?
Je supposais qu'elle s'était avancée car sa voix était plus audible. Mais pas plus forte. Elle avait le ton d'une enfant implorant son père.
— Sydney, la rappela-t-il à l'ordre.
Puis... le silence tomba net.
L'atmosphère se chargea alors de façon anormale. Une décharge parcourut mon corps endoloris et ma nuque se hérissa. Tout autour, les molécules d'oxygène parurent s'affoler, comme dans un micro-ondes, jusqu'à atteindre un point de non-retour. Une chaleur insoutenable explosa dans l'air, suivi de détonations assourdissantes et... de cris.
Je relevai la tête, pile au moment où la vitrine d'en face fut soufflée. Je m'abritai le visage derrière mon bras. Des éclats de verre tranchants percèrent mes piètres défenses et atterrirent dans mes cheveux.
Lorsque je regardai à nouveau autour de moi, l'apocalypse se déchainait. Des bâtiments entiers s'écroulaient, emportant avec eux les malheureux à proximité. Des voitures s'encastraient dans les décombres. Les fumées noires d'un gigantesque brasier s'élevaient vers le ciel cendreux. Les flammes dévoraient tout sur leur passage, jusqu'aux cadavres, pour certains d'entre eux démembrés, qui gisaient dans les ruines.
David.
Sans réfléchir au danger, je rampais péniblement vers lui. Je ne sais par quel miracle je parvins à le rejoindre indemne au milieu du chaos. Tremblante, j'agrippai son bras, tirant de toutes mes forces pour le retourner. Son corps inanimé bascula sur le dos. Du sang s'écoulait abondement depuis son front jusqu'à ses oreilles.
Je me jetai contre lui, enfouissant mon visage dans son cou.
— Ne me laisse pas, je t'en supplie.
Lui, il se taisait.
— Je... je ferai tout ce que tu veux. (Je le secouai par les épaules.) Je t'en prie, reviens ! Reviens, tu m'entends ?!
Lui, il se taisait.
Je le frappai à la poitrine pour le faire réagir.
— Pitié, David.
Lui, il se taisait. Et je me tus aussi, parce que je pleurais...
La mer de son regard s'était changée en un lac inexpressif. Au-delà du ciel assombri, il semblait contempler un horizon lointain, inaccessible aux vivants...
Devant pareille vision, une digue céda dans ma tête, et la vague emporta tout avec elle... Je me mis à crier, encore et encore. Inlassablement. Toujours le même mot. Celui qui résonnait en boucle dans ma tête.
Non. Non.
Puis, n'ayant plus de voix à force de hurler, je me laissais choir sur son torse, à bout de forces, me sentant de nouveau glisser vers l'abime. Une douleur incendiaire me ravageait. J'étais en feu. Mon âme flambait. Je la sentais se dissoudre dans l'acide.
À tâtons, je cherchai la main inerte de David. Je ne pus m'empêcher de tressaillir lorsque mes doigts rencontrèrent sa peau, déjà fraiche. Je serrai sa main aussi fort que je le pus, tentant de me raccrocher à lui. J'essayais de me persuader qu'il était toujours là. Que toute cette histoire n'était qu'un affreux cauchemar, et que les choses finiraient par rentrer dans l'ordre. Mais aussi fort que j'essayai de m'en convaincre, il me fut impossible d'y croire. Je n'avais pas rêvé. On me l'avait arraché, et à présent, je me trouvais seule, abandonnée sur mon bucher.
Partout en moi, la douleur continuait d'enfler sans que je ne puisse rien pour l'arrêter. Avais-je seulement envie de lui résister ? Avais-je seulement une bonne raison de continuer d'exister ?
La réponse s'imposa d'elle-même, par le simple mot que je chuchotais encore et toujours contre le corps sans vie de David.
Non. Non.
À court de raison de vivre, je cédai à la douleur. Ce fut presque avec soulagement que je la regardai emporter mes derniers instants de lucidité.
Le monde se fit trouble d'abord. Sombre, ensuite.
***
Du plus profond de ces ténèbres abyssales, des bruits étouffés continuaient de me parvenir. C'est ce qui me faisait croire que j'étais toujours en vie. D'une certaine manière. D'une manière horrible, en fait.
À mesure que le temps avait passé, sans que je sache vraiment combien, les cris et les appels à l'aide des survivants s'étaient raréfiés, jusqu'à s'évanouir complètement. D'autres sons avaient pris le relais. Les sirènes d'ambulance, surtout. Celles de police aussi... et les pompiers, j'oubliais.
Même si mon corps n'était plus totalement connecté à mon cerveau, j'avais sentis lorsqu'on m'avait soulevé du sol pour m'allonger sur une civière.
Les phases de lucidité, très brèves, alternaient avec... le néant. À choisir, c'était encore les moments que je préférais. Cette horreur paraissait plus facile à supporter que celle du monde réel.
Je ne me rappelais que vaguement du trajet jusqu'à l'hôpital. À peine quelques bribes de conversation éclatées dans le noir.
— Comment vous vous appelez ?
Silence.
— Est-ce que vous êtes blessée ?
J'avais eu l'impression qu'on nettoyait le sang séché sur mes lèvres. Était-ce le mien ?
— Est-ce que vous pourriez-me dire ce qu'il s'est passé ?
Momentanément, j'avais recouvré l'usage de la parole.
— C'est moi... c'est de ma faute.
Une deuxième voix d'homme s'était manifestée quelque part.
— Tu ne vois pas qu'elle est en état de choc ?
Le mot « attentat » avait bourdonné à mes oreilles, juste avant que la pointe d'une aiguille ne pénètre mon bras. Les émotions sur le point de m'assaillir avaient aussitôt été balayées. La réalité avait pris une dimension abstraite et cotonneuse qui m'avait épargnée un court instant. Mais les effets des tranquillisants avaient fini par s'estomper tout comme le sursis qu'on m'avait accordé.
L'horreur m'avait poursuivie, et rattrapée.
Depuis, j'avais totalement perdu pied. J'errais dans ce lieu sombre, douloureux et étrangement familier. J'ignorais où je me trouvais mais j'avais déjà éprouvé cette souffrance auparavant. Elle pulsait davantage chaque fois que je pensais à... lui.
Lui, que j'avais à jamais perdu.
Je criai dans le vide. Mon âme se tordait de douleur. C'était comme si on la déchirait, tel un vieux parchemin élimé par le temps. Je suppliais qu'on m'achève, quand soudain, j'eus le sentiment d'être observée. De partout à la fois. Par des centaines de paires d'yeux.
Alors, tout m'apparut clairement.
Je connaissais cet endroit. Oui, j'avais déjà franchi ce miroir, le soir d'Halloween. Après m'être injectée le thiopental, je n'avais pas rêvé. J'avais atterri ici avant d'atteindre l'enfer.
Cette fois, je n'en réchapperais pas. J'en avais la froide certitude.
Sans même lever la tête, je les sentis m'encercler – ils se liguaient contre moi. Leurs noms m'échappaient pour la plupart, mais leur visage et leurs morts brulaient mon âme comme une lame chauffée à blanc.
Je les avais tués. Et ils comptaient me le faire payer.
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Lips As Red As Hell [TERMINÉ]
ParanormalQuand la Mort débarque au lycée... Figée dans ses vingt-et-un printemps depuis des siècles, Eléonore mène à San Francisco une vie seulement rythmée par son travail : faucher des âmes. Sa routine est aussi plate que l'encéphalogramme d'un cadavre et...