Dreams - Fleetwood Mac
— Je regrette, c'est impossible !
Du bas de sa chaise de bureau, cette stupide standardiste continuait de me fixer d'un regard envieux. À cela, précisément, je ne voyais rien d'anormal. La plupart du temps, c'est le sentiment que j'inspirais à la gent féminine : la jalousie. De là à se montrer si mesquine... Cette fille en tenait une couche !
C'est vrai, cela faisait des mois que je m'investissais corps et âme dans ce « bénévolat », et voilà qu'aujourd'hui elle me refusait l'accès pour un simple papier.
Quelle garce !
— Sans pièce d'identité, je ne peux pas vous donner accès aux chambres, piailla-t-elle en roulant des yeux comme s'il s'agissait là d'une évidence exaspérante.
Moi, c'est sa voix haut perchée qui m'exaspérait. J'aurais certainement fini par lui tordre le cou si j'avais eu à la supporter des journées entières comme la jeune collègue qui partageait avec elle le bureau d'accueil. Voyant en cette dernière un possible moyen de parvenir à mes fins, j'essayai de masquer l'agacement que je sentais palpiter à mes tempes.
— Les malades seraient très déçus de ne pas me voir, plaidai-je en jetant un regard faussement affligé à la petite brune recroquevillée sur son clavier. J'imagine que ça ne porterait pas à conséquence si...
— Les règles de l'hôpital sont strictes ! coupa la blonde d'un ton sec, refermant d'un seul coup le classeur qu'elle feuilletait. Surtout en ce qui concerne les visites de personnes qui n'appartiennent pas à la famille.
Sentant se lever le vent de la discorde, sa collègue replongea dare-dare sur son écran d'ordinateur.
Bon, raté !
Je me retournai vers la bécasse tyrannique qui semblait détenir le pouvoir.
— Et si je vous disais que je suis de la famille ? demandai-je avec une désinvolture qui frisait l'impertinence.
— Très amusant !
Elle me gratifia d'un sourire perfide avant de retourner à ses occupations, me signifiant par le plus grand mépris la fin de la discussion. Je la fusillai du regard en retour, ce qu'elle ne put voir.
Si le hall de l'hôpital n'avait pas été aussi fréquenté, je l'aurais réduite en poussière. Au sens littéral du terme. Un petit tas de cendre que j'aurais joyeusement piétiné. Cette pensée meurtrière et grotesque eut au moins le mérite de me faire sourire à mon tour.
— Très bien, j'ai compris, abdiquai-je.
Résignée, j'étais sur le point de tourner les talons lorsque Rendall surgit de nulle part telle une fenêtre pop-up. Ses yeux pétillaient comme s'il venait de découvrir le vaccin contre le cancer.
— Eléonore, ça fait plaisir de te voir ici! se réjouit-il, les joues soudain très rouges par contraste avec sa blouse blanche. Enfin, en tant que bénévole ! Pas ici, à l'hôpital, en tant que malade, évidemment ! Ça serait terrible ça, hein, pas vrai Tanya ?
La standardiste pencha la tête le temps de considérer l'idée. Agacée, je lui tournai le dos et décidai de l'ignorer pour de bon.
— Mon dieu, ça fait un bail que je ne t'ai pas vu... Où est ce que tu peux bien passer ton temps, petit cachotier ?! minaudai-je en baissant les yeux, non pas pour ajouter du piquant à mon numéro de charme, mais tout simplement pour croiser le regard dudit Rendall dont le haut du crâne m'arrivait au niveau du coude.
Voilà à quoi j'en étais réduite : jouer à Blanche-Neige avec Simplet... J'en avais la nausée.
— Ben je travaille aux urgences, tu te rappelles ?
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Lips As Red As Hell [TERMINÉ]
ParanormalQuand la Mort débarque au lycée... Figée dans ses vingt-et-un printemps depuis des siècles, Eléonore mène à San Francisco une vie seulement rythmée par son travail : faucher des âmes. Sa routine est aussi plate que l'encéphalogramme d'un cadavre et...