Again - The George Kaplan Conspiracy
Le cours du jeudi ayant été annulé sans préavis, ce n'est que le vendredi que je revis Petterson ; jour où il nous rendit les copies. Le temps écoulé n'avait rien changé à ce que je ressentais. J'étais toujours hyper remontée contre lui. Je ne levai même pas les yeux lorsqu'il déposa mon devoir sur la table.
Sans grande surprise, j'écopai d'un A+, la meilleure note de la classe. Grace n'avait obtenu qu'un passable B+. Déjà qu'elle me détestait, que dire de l'expression que prit son visage quand Petterson me cita en exemple. Un chien enragé – un cerbère –, c'est vraiment ce qu'elle m'évoquait. Moi, ça ne me fit rien du tout. Il cherchait visiblement à se rattraper pour son attitude détestable – bonne chance avec ça !
Ennuyée par le cours, j'ouvris ma copie. Je découvris alors à quelques endroits des commentaires d'une jolie écriture, fine et soignée.
« Ton argumentation est manichéenne et manque d'objectivité. Tu tendrais à faire passer ce noble Alexandre pour un mufle. Ce n'est pas correct de ta part. Après tous les tourments que lui a fait endurer Eugénie, au premier rang desquels : sa maladresse et une humiliation en place publique, Alexandre a certes perdu quelque peu de sa patience proverbiale. Mais de là à le dépeindre comme un homme infect, tu tombes dans l'outrage ! »
Et plus loin :
« Comment peux-tu expliquer cette fois l'indulgence dont tu fais preuve, quant à la manière insolente qu'à Eugénie de malmener ce pauvre Alexandre ? Malgré ses quelques torts, il reste son supérieur hiérarchique direct au sein de la distillerie. »
Et tout en bas :
« En dépit d'une analyse superficielle et orientée, ton français est impeccable. Aussi, je me trouve bien obligé de t'attribuer la note maximale. Tu t'en tires bien, pour cette fois...
Ne relâche pas l'attention.
PS : La Ivy League n'a qu'à bien se tenir. »
— Qu'est-ce qui te fait sourire ?
Cassie me détaillait d'un œil suspicieux. Je refermai brusquement ma copie.
— Rien du tout.
Elle fit une grimace pour me signifier que j'étais cinglée, avant de retourner à l'écran de son téléphone. J'en profitai alors pour relire, puis re-relire, les commentaires de Petterson.
Quand une petite voix dans ma tête me suggéra qu'il n'avait pas choisi le texte au hasard, je sentis une étonnante allégresse se répandre depuis ma poitrine jusque dans chaque partie de mon corps. Les similitudes avec notre situation étaient trop criantes pour être une simple coïncidence : la relation ambiguë avec le supérieur hiérarchique, l'attitude un brin insolente d'Eugénie et, bien sûr, l'humiliation d'Alexandre.
Un sourire niais s'épanouit sur mes lèvres. Je serais bien restée des heures dans cet état de D.C.A (dégénérescence cérébrale avancée), sauf que Cassie recommença à me scruter avec curiosité. Aussitôt, mon sourire s'estompa, remplacé par un pincement de lèvres empreint de culpabilité. L'allégresse reflua vers mon cœur, revenu à son état initial, froid et dur comme du granit.
Réveille-toi, Laura Ingalls !
C'était n'importe quoi ! Je déraillais complètement. Je m'en voulus d'avoir imaginé un seul instant qu'il avait choisi ce texte à dessein, qu'il m'avait réservé un traitement spécial, et surtout, d'en avoir tiré cette euphorie grisante.
En plus, son nouveau revirement ne changeait rien. Mon enquête était toujours dans une impasse et maintenant j'avais encore plus de mal à comprendre son comportement.
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Lips As Red As Hell [TERMINÉ]
ParanormalQuand la Mort débarque au lycée... Figée dans ses vingt-et-un printemps depuis des siècles, Eléonore mène à San Francisco une vie seulement rythmée par son travail : faucher des âmes. Sa routine est aussi plate que l'encéphalogramme d'un cadavre et...