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Goodbye Soleil - Phoenix

­­La chaleur était devenue de plus en plus écrasante à mesure que nous descendions vers le sud.

Ma clim avait rendu l'âme l'an dernier, et depuis, je n'avais pas trouvé – ni vraiment cherché, d'ailleurs – le temps de me rendre chez le garagiste. Cassie était trop maligne pour s'en plaindre. Elle devinait avec pertinence que je lui proposerais aimablement de rejoindre le confortable Hummer de Duncan, si cela l'indisposait. Elle préféra donc s'éventer à l'aide d'un magazine sorti de son sac à main. Le titre : Le Mensuel de la Psychologie, s'étalait en lettres capitales dans une police austère, comme pour se donner des airs de revue médicale et ainsi se draper d'une crédibilité scientifique.

Pendant qu'elle agitait le torchon dans ma direction, j'avais furtivement aperçu les sujets qu'abordait ce numéro.

Pleurer, pourquoi ne faut-il pas s'en priver ?

Les 5 étapes à ne pas brûler pour surmonter durablement un traumatisme.

Amour... Comment savoir si vous lui plaisez ? Décelez les signes, p24.

Êtes-vous hyper sensible ? Faites le test, page 32.

À l'arrière, Charlie dormait à poings fermés, les jambes recroquevillées contre sa poitrine, son sweat roulé en boule sous sa nuque.

Les rafales d'air brulant qui s'engouffraient par les fenêtres me rendaient, moi aussi, étonnamment somnolente. D'ordinaire, je résistais bien aux pic de température, voulais-je pourtant croire.

Sans doute que la léthargie fiévreuse qui m'engourdissait n'était pas imputable à l'atmosphère étouffante, mais plutôt à l'ininterrompu monologue de Cassie. Par égocentrisme plus que par solidarité envers moi, l'adolescente bavassait... seule. Une prouesse qui durait depuis maintenant des heures. Cassie avait la surprenante faculté d'émettre des questions, puis d'y apporter des réponses – se perdant de temps à autre en digressions –, sans jamais s'arrêter.

Face à cette attaque neuronale sans précédent, mon cerveau avait activé ses défenses anti-lobotomie. Il était passé en mode « veille prolongée » depuis belle lurette – précisément depuis qu'on avait laissé San José derrière nous. Ne restaient d'opérationnelles que mes fonctions motrices, suffisantes pour conduire et même parfois, acquiescer aux inepties de Cassie. Bien qu'indifférente à son flot d'insanités, je ne pouvais décemment pas la laisser découvrir l'ampleur de mon désintérêt.

— ... fou parce qu'en principe, je serais partie sans payer. Bref, la fille me regardait comme si j'étais la dernière des idiotes. À croire que je suis la seule, de tout l'État, à boire à la paille. Non mais tu le crois ça ?!

Une fois de plus, je dodelinai de la tête.

— Quoi, tu le crois vraiment ?!

Et merde !

J'aurais dû me douter qu'à un moment donné, une vague approbation ne suffirait plus.

— Mais non, bien sûr que non ! me récriai-je en m'ébrouant pour me réveiller.

— En fait, elle avait le même petit air suffisant que Sarah ! reprit aussitôt Cassie. On aurait dit des sœurs jumelles. Non, tu sais quoi ? La serveuse c'était Mère Teresa à côté de l'autre. Elle, son problème, si tu veux mon avis, c'est qu'elle est jalouse ! Jalouse de moi, c'est évident !

Face à l'expression de son visage, qui semblait mettre au défi quiconque de la contredire, j'acquiesçai frénétiquement.

L'avantage avec Cassie, c'est qu'il n'était pas difficile de se repérer dans le foutoir qui remplissait sa caboche. Tous les sujets, aussi éloignés les uns des autres qu'ils fussent, avaient un point de convergence incontestable : Sarah.

Lips As Red As Hell [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant