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Quand je repris connaissance, plusieurs personnes en blouses blanches étaient penchées sur moi. Elles marchaient à vive allure pour me suivre et je compris j'étais allongée sur un brancard. Un masque à oxygène m'englobait presque tout le visage.

Aussi grave que pût être mon état à ce moment, je me sentais mieux – bien, même. Trop bien, paradoxalement. Je basculai la tête sur le côté pour voir où je me trouvais. Les tapisseries jaunes décollées au coin ne m'étaient pas étrangères, tout comme les posters de prévention des maladies qui y étaient punaisés ou l'odeur de détergent flottant dans l'air.

Le brancard continuait sa progression. Nous dépassâmes une salle d'attente presque vide, composée de quelques chaises en plastique, d'une machine à café et d'un distributeur de confiseries. J'étais sur le point de me rendormir, quand mon regard en accrocha un autre, d'un gris-bleu familier. J'entendis alors quelque chose se briser sur le sol puis des bruits de pas s'approcher à toute vitesse.

— ATTENDEZ ! Je la connais !

— Écoutez, on n'a pas le temps ! Elle souffre d'un traumatisme crânien et d'une probable hémorragie interne. Vous êtes de sa famille ?

Mon état semblait critique. Et pourtant, j'en aurais presque ri si ce masque stupide ne m'en avait empêchée. La Mort avait un traumatisme crânien. Hilarant.

— Non mais...

— Vous connaissez la personne à contacter en cas d'urgence ?

D'une main molle, je me débarrassai de mon satané masque.

— C'est moi... qu'il faut appeler..., ânonnai-je, laissant échapper un petit rire rauque.

— Ne t'en fais pas Eléonore, ça va bien se passer.

L'homme s'était approché pour me prendre la main. Ses cheveux étaient bruns, mais grisonnaient par endroit.

Pe...tter...son...

Il m'adressa un sourire duquel suintait l'inquiétude. Moi, je n'avais aucune peur.

— Vous... ça va... ?

— Je... suppose, oui.

Sa main était douce, et chaude. Sur le moment, je n'éprouvais aucune gêne de ce contact charnel.

— Vous... êtes... craquant.

Les yeux de Petterson s'agrandirent.

— Cra-quant, répétai-je comme je n'étais pas sûre qu'il avait compris.

De sa main libre, il se gratta l'arrière de la tête.

— C'est la morphine, affirma le médecin comme si c'était supposé le rassurer.

Petterson hésita, puis l'esquisse d'un sourire attendri se peignit sur ses lèvres.

— Non... non... pas vrai...

Le médecin accéléra le pas comme si mon propos ne méritait aucune attention.

Emportée par le besoin de m'exprimer, je continuai en français, pour mettre le médecin hors-jeu :

— Quelle couleur... vos yeux ? Bleus... ou gris ? Je... trouve... très beau.

J'aurais voulu en dire plus, tellement plus, mais le médecin m'avait flanqué le masque à oxygène sur la figure, me réduisant au silence.

J'étais vaseuse, et ma vision pas tout à fait nette. La lumière agressive des néons me suffit cependant à noter la teinte rosée qu'avaient prises les joues de Petterson. Ce dernier s'arrêta net. Sa main quitta la mienne tandis que le convoi poursuivait sa course.

Lips As Red As Hell [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant