Dites-lui que vous serez en retard.
Reg avait quitté la pièce, mais ses mots se répercutaient comme une série de ricochets dans ma tête. Dites-lui que vous serez en retard. Cela ne ressemblait pas à un conseil destiné à rassurer mon amie fictive, mais à une promesse. Ou une menace.
Non, fallait que je me calme, j'étais en pleine crise de paranoïa !
D'accord, Reg me fichait la frousse, n'empêche, il ne m'avait rien fait jusque-là. Il m'avait même confié son téléphone et était parti je ne savais où, me laissant ainsi sans surveillance. Une parfaite étrangère ! J'aurais très bien pu être cleptomane et lui subtiliser... je regardai autour de moi. Dans la cuisine, rien ne trainait. L'évier était vide et le plan de travail en marbre était débarrassé de tout ustensile ou de la moindre trace indiquant qu'on avait cuisiné. Ça avait un côté laboratoire. Dans le salon, hormis la T.V, là non plus, aucun objet de valeur. Que des babioles. Du coup, je n'aurais pas pu voler grand-chose j'imagine. Son téléphone et sa bière, à tout casser.
Ne sachant pas si Reg m'entendait ou non, je fis semblant de passer des coups de fil et me sentis vraiment stupide de simuler une conversation.
À la fin de mon monologue, Reg n'était toujours pas revenu.
Quelque chose clochait, je le sentais. Une alarme interne, un pressentiment funeste, me prenait aux tripes. Alors, en vraie mauviette, je renonçai sans délai à mes ambitions premières et considérai que Reg avait passé avec brio l'examen que je lui avais concocté. Je reposai le téléphone sur la table et me dirigeai droit vers la sortie lorsque j'entendis une porte claquer. Je me figeai soudain et à peine un instant plus tard, Reg réapparut au seuil du salon. Il avait le même air dément qu'au café.
Mon sang ne fit qu'un tour.
— Bon... eh bien merci. Je ne vais pas abuser de votre hospitalité...
Dans un acte courageux – ou particulièrement stupide –, j'avançai vers la porte que Reg me barrait, mon cœur battant la chamade.
— Que faites-vous chez moi ?
À dire vrai, je me posais la même question.
Comme pour éviter que je me précipite vers ma propre fin, mes pieds pilèrent net. Devant l'air de plus en plus menaçant de Reg, ils passèrent même en marche arrière.
— Ma... ma voiture...
— Ma... ma... marchait parfaitement lorsque je l'ai démarrée, acheva-t-il en imitant mon timbre balbutiant et apeuré.
Je le dévisageai avec horreur tandis qu'il sortait de sa poche mon trousseau et l'agitait en l'air, un rictus effroyable étirant ses lèvres.
Oh mon dieu ! Mes clefs... je les avais oubliées sur le contact...
— Ah, en effet, c'est curieux ! m'exclamai-je d'une voix devenue hystérique. Il va falloir que j'y aille, ajoutai-je non pas en m'avançant vers Reg et la porte de sortie comme l'aurait voulu la logique de mon propos, mais en continuant au contraire de reculer vers la cuisine.
— C'est à cause de cette folle, cette menteuse ? Vous êtes de la police, c'est ça ?
J'hésitai. Est-ce qu'appartenir à la police me protégerait ? Serait-ce susceptible d'accroitre la colère démente que je voyais luire dans son regard ? Probablement.
— Non... je ne suis pas de la police, je vous assure...
— De quel droit ?! gronda-t-il, perdant pour de bon son sang-froid. Vous... vous croyez tout permis... entrer sans mandat... comme des malfrats... C'est un guet-apens, c'est ça ?!
VOUS LISEZ
Lips As Red As Hell [TERMINÉ]
ParanormalneQuand la Mort débarque au lycée... Figée dans ses vingt-et-un printemps depuis des siècles, Eléonore mène à San Francisco une vie seulement rythmée par son travail : faucher des âmes. Sa routine est aussi plate que l'encéphalogramme d'un cadavre et...