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A Thousand Miles - Vanessa Carlton

Des voitures partout. Des gratte-ciel en pagaille. Une ville qui grouillait. Des hommes et des femmes, attablés à des terrasses de restaurants. Que s'était-il passé ? Où donc étaient le désert, le hangar, les démons et les âmes ? Et enfin, où avais-je atterri ? J'observais les alentours, essayant d'identifier une rue ou rien qu'un bâtiment susceptible de m'aiguiller, mais je ne je reconnaissais rien. À l'architecture, il aurait pu s'agir du centre d'affaire de n'importe quelle mégalopole américaine : New York ? Chicago ? Boston ? Lever le regard au ciel suffit à doucher mes espoirs. Le pourpre restait de mise.

— Eléonore ? s'inquiéta une voix douce à mon oreille.

Je tournai la tête.

— Sarah ?!

Elle tenait toujours mon bras, mais sa poigne n'était plus aussi ferme. Elle m'inspectait avec inquiétude, et cela me désarçonna. C'est moi qui étais censée me faire du souci pour elle. De ce que j'en voyais cependant, elle semblait en forme et ne portait pas de marque visible de maltraitance. Sa tenue ressemblait à ce qu'elle mettait auparavant, du temps du lycée – pantalon noir et top blanc rehaussé par veste en jean.

— Tu trembles, constata-t-elle en me détaillant.

Je tremblais en effet, et pas qu'un peu. J'avais l'impression qu'un séisme secouait tout mon corps. Sarah se plaça face à moi et pressa doucement mon autre épaule, un geste qui se voulait réconfortant.

— Écoute, je sais que c'est difficile à entendre, annonça-t-elle avec prudence, mais plus tôt tu en prendras conscience mieux ce sera, crois-moi. (Je fronçai les sourcils.) Eléonore... Tu es morte.

J'acquiesçai, encore haletante.

— C'était le but.

Elle me dévisagea.

— Qu'est-ce que tu racontes ?

— Il fallait que je te voie, que je sache comment tu allais. J'étais prête à tout. Je ne pouvais pas continuer comme ça, sans savoir, en imaginant le pire.

— Hein ? (Elle me lâcha pour amener ses mains à ses tempes.) Je ne comprends rien !

À ses yeux, mes paroles n'avaient aucun sens. Et ça me semblait tout aussi délirant, même si les mots sortaient de ma propre bouche.

— T'es en train de dire que tu savais que l'enfer existe vraiment ? (J'acquiesçai.) Et que tu savais aussi que j'y étais ? (J'acquiesçai encore.) Et que tu t'es genre... SUICIDÉE juste pour prendre de mes nouvelles ?

Une fois de plus, je hochai la tête. Sa voix était tellement montée à sa dernière question, que toutes les âmes du périmètre s'étaient mises à nous observer.

— Je suis une Mort, dis-je comme si cette simple affirmation donnait du sens à cette situation loufoque.

J'avais grimacé en prononçant le dernier mot. Jamais encore je n'avais eu honte de mon statut, peut-être parce que tout le monde l'ignorait jusqu'alors.

Dans ses yeux, je vis les connexions se faire et la colère y naitre aussitôt.

— Alors c'est toi qui m'a envoyée ici ?

— Eh bien, pas tout à fait.

— Pas tout à fait ?!

J'eus une moue contrite.

— Je n'ai pas fauché ton âme si c'est ce que tu demandes.

Préférant éviter de se donner en spectacle, elle me tira à l'écart des passants, le long du trottoir. Je grimaçai à cause de la rugosité de l'asphalte. Nous dépassâmes plusieurs magasins en tous genres, d'alimentations et de vêtements notamment. Pendant qu'on marchait elle ne dit rien, mais je pouvais presque l'entendre réfléchir.

Lips As Red As Hell [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant