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J'avais passé longtemps à consoler Sarah, passant en revue tout son entourage. Ethan, d'abord. J'avais souligné que si elle avait été envoyée ici pour des raisons comme le sexe avant le mariage, ou rien que l'utilisation de faux papier pour rentrer dans les bars, je ne voyais pas comment il pourrait y échapper. Mes arguments avaient fait mouche, et elle s'était quelque peu apaisée. Il lui faudrait un sacré moment pour se faire une raison le concernant. Car avant que la mort ne les réunisse, le temps aurait éteint la flamme de leur amour. Ethan avait normalement devant lui de nombreuses années à vivre, de quoi tomber à nouveau amoureux, se marier ou fonder une famille... ce dont Sarah resterait à jamais dépossédée. J'avais évidemment gardé ces réflexions au fond de moi, car il lui appartenait de faire le deuil de sa relation, à son rythme...

Pour ses parents, Sarah avait en revanche bon espoir. Ils n'étaient ni mariés, ni même baptisés – de purs athées. Et sa sœur suivrait probablement le même chemin. J'avais acquiescé à tout son raisonnement, priant pour qu'elle ait raison, même si je n'étais pas convaincue que les choses soient aussi simples...

Ses craintes pour partie dissipées, elle m'avait ensuite posé beaucoup de questions sur mon travail, ma vie et les raisons de ma venue au lycée. Je n'étais pas entrée dans les détails. Je lui avais raconté que je devais surveiller quelqu'un en particulier, sans lui dire qui ou pourquoi. Elle semblait s'être satisfaite de mes explications, et ne paraissait pas nourrir de rancœur à l'encontre de la double vie que je menais à l'insu de tous. La Sarah « morte » était bien plus sage et mature que celle dont je me souvenais. Dommage qu'il ait fallu qu'elle meure pour cela...

Quand elle eut épuisé toutes les questions qu'elle avait en stock, elle me décrit son quotidien ici. Son petit appartement qu'elle partageait avec une fille décédée le même jour qu'elle, renversée par un chauffard ; ça devait les rapprocher, j'imagine. Les fêtes délirantes qui démarraient à la nuit tombée. Les leçons avec son mentor –un type qui, à l'entendre, avait l'air dangereux et séduisant.

Je continuais de l'écouter en observant l'océan changer de couleur et s'assombrir à mesure que la lumière décroissait, quand un raclement de gorge me sortit de ma rêverie.

— On passe à l'improviste ?

À deux mètres, Cameron m'observait, un sourire irrésistible accroché à ses lèvres. Bizarrement, ça me laissait de marbre. J'ignore si ça venait de ce que je ressentais pour David, ou bien, des atrocités auxquelles j'avais assistées ici, mais je me sentais comme immunisée contre son charme diabolique.

Comme je ne répondais pas, il poursuivit :

— Tu m'as manqué, Eléonore.

Je restai muette. Sarah le détaillait de haut en bas, scotchée.

— Sarah, je te présente Satan, dis-je en prenant bien soin d'appuyer sur ce dernier mot.

Je faisais d'une pierre deux coups. Je mettais Sarah en garde, mais surtout, ça m'évitait de répondre à Cameron. La réaction de la brune ne se fit pas attendre. Elle recula, si vite, qu'on aurait dit qu'elle avait fait un bond en arrière. Ça amusa Cameron – beaucoup.

— Je t'effraie ? lui demanda-t-il entre deux éclats de rire.

Sarah bredouilla quelque chose mais ce fut aussi compréhensible qu'un borborygme...

— On fait toujours le diable plus laid qu'il n'est, regretta-t-il en soupirant.

— Ou peut-être qu'en vérité il est plus laid qu'il n'y paraît, dis-je d'un ton irrévérencieux.

Cameron leva la tête et prit son menton entre son pouce et son index en faisant mine de réfléchir au sens de mon propos. Ses lèvres fines, étirées au maximum, parlaient pour lui. Il se foutait de moi.

Lips As Red As Hell [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant