The Kinks - Waterloo Sunset
En sortant de l'hôpital, j'avais un sacré besoin de réconfort. Je fis donc arrêt au Starbucks à côté de chez moi, sur Geary Street. Après une dure journée de travail, je ne connaissais rien de plus efficace qu'un délicieux Latte pour reprendre des forces. Et vu la nature de mon job, j'avais même droit à un supplément caramel et à un muffin à la myrtille.
Enfoncée dans un fauteuil moelleux aux larges accoudoirs, je me repaissais de tout ce sucre en essayant de ne pas ressasser ce qui venait de se passer. Derrière la vitre, je balayai la rue du regard. Elle était calme en cette fin de matinée. Il n'y avait pas grand-chose à observer, hormis les passants qui commençaient à sortir des bureaux pour prendre leur pause-déjeuner quand moi j'étais encore au petit-déjeuner – l'avantage d'être free-lance. Repenser au travail m'arracha un soupir.
Sentant bientôt poindre l'ennui, j'entamai une partie de Candy Crush, ce qui m'occupa cinq bonnes minutes avant que l'envie de balancer mon téléphone ne me pousse à arrêter. C'est pour ça que je jouais rarement. Puis je sortis de mon sac à main À l'aube de la vérité, le livre que j'avais lu à Hopkins. Je n'avais rien de mieux à faire, et en sachant qu'il aurait voulu connaître la suite, je décidai de le lire pour nous deux.
J'avais terminé deux chapitres de plus – durant lesquels l'intrigue avait lamentablement continué de patiner – lorsqu'une voix me fit perdre le fil de ma lecture.
— Je peux m'asseoir ?
Je détachai mon regard des pages du roman. Devant moi se tenait un homme d'une trentaine d'années au regard charmeur. Brun, pas très grand, le mètre soixante-quinze environ, corpulence moyenne. Pas un canon, mais j'aurais certainement accédé à sa requête si... s'il s'était adressé à moi. Car en fait, il lorgnait la fille de la table d'à côté.
Elle avait tout de l'archétype de la californienne, mince et bronzée. Je la soupçonnais d'ailleurs d'avoir commandé une boisson à base de lait végétal parce qu'elle était vegan. J'extrapolais légèrement... Bref, le plus surprenant dans tout ça, c'est qu'elle avait l'air vraiment jeune. Je n'aurais pas été étonnée qu'elle fréquente encore le lycée. D'accord, elle était jolie, mais j'étais cent fois mieux. Et assurément majeure. J'avais vingt-et-un-an... en apparence, certes. Mais ça relevait du détail !
Dire que j'étais là, juste à côté, et qu'il ne m'avait pas vu. Je partais de ce principe car je ne pouvais pas croire qu'il l'ait préférée à moi. Ç'aurait été absurde. À moins qu'il m'ait vu gober mon muffin comme une boulimique compulsive, ce qui aurait pu être dissuasif, je le reconnais.
— Hum... oui, allez-y, répondit la fille tandis que l'homme tirait déjà la chaise pour s'asseoir.
Je baissai les yeux sur mon livre sans pour autant reprendre ma lecture. La conversation à venir promettait d'être cent fois plus intéressante que ce qu'il se passait ou ne se passait pas dans ce bouquin débile.
— Reg Jackman, content de te connaître.
— Abby.
Je jetai un bref regard en diagonal et vis Reg serrer la main de la fille, puis s'attarder un instant avant de la relâcher.
— Tu viens souvent ici ?
— Pas vraiment. Ma prof est absente, du coup j'ai du temps à tuer.
— Tu m'en vois ravi.
Abby ricana bêtement.
— T'es à la fac ?
— Au lycée.
Qu'est-ce que j'avais dit ... ?
Je m'attendais à ce que cette information réfrène les ardeurs de Reg, mais loin de le décourager, cela parut glisser sur lui. Il poursuivit son numéro de charme à coups de flatteries peu imaginatives et au bout d'un moment, j'arrêtai d'écouter, lasse de ce baratin. Ça n'était pas aussi distrayant que je l'avais espéré. Sans entrain, je replongeai dans mon bouquin, espérant un peu d'action après deux cents longues pages d'errements.
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Lips As Red As Hell [TERMINÉ]
ParanormalQuand la Mort débarque au lycée... Figée dans ses vingt-et-un printemps depuis des siècles, Eléonore mène à San Francisco une vie seulement rythmée par son travail : faucher des âmes. Sa routine est aussi plate que l'encéphalogramme d'un cadavre et...