Dans un sursaut, j'ouvris les yeux ; d'un seul coup, comme brusquement tirée d'un affreux cauchemar. J'aspirais l'air avec avidité telle une apnéiste émergeant des abysses.
Mon dos était ankylosé, et mes jambes, serrées dans une sorte de sac de couchage. J'essayai de me lever sur mes coudes pour essayer de comprendre. Pourquoi me trouvais-je étendue sur le sol ?!
Mon cœur rata un battement et je dus me rallonger, car je me sentais partir. La machine avait du mal à se remettre en route. Elle luttait pour réchauffer mon corps imprégné d'une froideur cadavérique.
Autour de moi, j'entendis des exclamations de surprise.
Exténuée, je clignai des paupières pour faire disparaître les étoiles qui tournoyaient devant mes yeux. Un regard bleu-gris dansa furtivement juste au-dessus de moi, mais je n'eus pas le temps de déterminer s'il s'agissait ou non d'une hallucination post-mortem qu'un visage inconnu le remplaça.
La lumière d'une lampe s'approcha de mes pupilles. Incommodée, je fermai les yeux.
— Est-ce que vous pouvez me dire votre nom ?
La bouche sèche, je déglutis avec difficulté.
— Savez-vous comment vous vous appelez ? me répéta l'homme en m'ouvrant les paupières avec ses doigts et en braquant sur moi sa foutue lumière.
— Je... (Je m'éclaircis la voix.) Eléonore Latour. Mais qu'est-ce que vous fichez chez moi ? articulai-je péniblement, cherchant à le repousser d'une main sans force.
L'homme éteignit sa lampe. Il fallut quelques secondes pour que mes pupilles s'adaptent. Je réussis alors à distinguer son visage avec précision. Des verres percés sans monture apparente reposaient sur son nez, et derrière, ses yeux paraissaient aussi énormes que ceux d'une grenouille. Pour une raison qui m'échappait encore, il avait l'air sidéré et ses mains tremblaient.
— Votre amie nous a appelés. Elle vous a trouvé morte. (Il coassa.) Enfin... pas vraiment morte. Vous ne parleriez pas si c'était le cas, s'embrouilla-t-il en regardant par-dessus son épaule.
Ce qu'il vit lui fit retrouver aussitôt son sérieux.
— Quel jour sommes-nous ?
Il en avait encore combien des questions, celui là ?!
— Euh... c'est Halloween, non ?
— Eh bien... entama-t-il à mi-voix, au moins aussi hagard que moi. Je ne sais pas comment c'est possible mais, à première vue, vous ne semblez pas avoir de séquelles, annonça-t-il en rangeant son matériel dans la trousse à côté de lui. Je n'ai encore jamais vu une chose pareille...
Une main s'empara doucement de la mienne. Je fis alors rouler ma tête sur la droite même si je devinais avec appréhension à qui elle appartenait.
— T'es là toi aussi, me contentai-je de constater en regardant David.
Il me fixait, les lèvres closes. Ses cheveux étaient en bataille et sa chemise froissée.
Pourquoi fallait-il qu'il me voie toujours en train de pleurer, ou de mourir ? N'y avait-il pas d'autre configuration possible ? Étais-je donc vouée à perdre tout honneur devant lui ?
— Bon, je vous laisse un moment, déclara le médecin en refermant sa trousse. Je vais annoncer la bonne nouvelle à votre amie.
Il se releva et s'éloigna en direction du salon en refermant la porte derrière lui. Alors seul à seul, le silence enfla entre David et moi, prenant toute la place. Puis la bulle qui continuait de grandir éclata soudain.
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Lips As Red As Hell [TERMINÉ]
FantastiqueQuand la Mort débarque au lycée... Figée dans ses vingt-et-un printemps depuis des siècles, Eléonore mène à San Francisco une vie seulement rythmée par son travail : faucher des âmes. Sa routine est aussi plate que l'encéphalogramme d'un cadavre et...