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Les deux semaines suivant mon retour à la maison s'étaient distinguées par un cruel manque de productivité sur le terrain professionnel. Pour ce qui concerne le shopping sur internet en revanche, je m'étais encore une fois illustrée par mes excès. Sans doute une réaction due au stress...

J'avais fait chauffer ma carte de crédit – à un tel niveau, qu'elle aurait normalement dû s'autodétruire – avec pour conséquence, un découvert préoccupant. Suffisamment abyssal pour expliquer le numéro qui s'affichait maintenant sur l'écran de mon téléphone et la musique de Dark Vador qui l'accompagnait. Ça n'aurait pu tomber plus mal...

Penchée par-dessus le volant de ma voiture, j'étais en planque. Je guettais la sortie de ma cible de son domicile.

Tandis que le haut-parleur de mon téléphone hurlait La Marche Impériale, me promettant une discussion pénible, je consultai le papier remis par Clarke. À force, je le connaissais par cœur.

Il ne faisait que deux lignes.

La première correspondait à un nom : David Petterson.

La seconde indiquait une adresse sur Steiner Street, juste en face d'Alamo Square Park. Et c'était ce qui m'étonnait. Si je me fiais à ces informations, ce David Petterson habitait la maisonnette violette, dans le pur style victorien, qui se dressait à droite de la rue. J'avais du mal à y croire.

Je connaissais ce quartier comme ma poche. Il se trouvait à quelques encablures de chez moi, et il m'arrivait pendant l'été d'y prendre des bains de soleil. Même si en cette saison les touristes prenaient le parc d'assaut avec leurs appareils photos, leurs sandales-chaussettes et le reste de leur mauvais goût, l'atmosphère qui s'en dégageait était calme et paisible. Ce sérieux avantage, ajouté à la proximité du centre-ville, faisait exploser la cote de popularité du quartier, ainsi que les prix de l'immobilier. C'est pourquoi il me paraissait invraisemblable qu'un prof de lycée au salaire modique vive ici.

Mais si Saint Clarke le disait...

Brièvement, le silence revint dans l'habitacle. Je faillis remercier le ciel, mais l'hymne terrible reprit de plus belle. Avisant l'appareil d'un œil mauvais, je me résolus à affronter l'inévitable.

— Mademoiselle Latour ?

— Oui ?

Mon ton las donnait l'impression que je n'étais pas parfaitement réveillée, ce qui était rarement le cas avant neuf heures du matin.

— Navré de vous importuner de si bonne heure, mais il va vraiment falloir régulariser la situation, me conjura le vautour de banquier.

— Ça ne saurait tarder.

En entendant sa voix nasillarde, son visage de binoclard et son odeur de papier moisi me revinrent en mémoire.

— C'est ce que vous me dites tous les jours depuis une semaine.

— Eh bien, pourquoi vous acharnez-vous sur votre téléphone dans ce cas ?! Force est de constater que vos appels incessants n'améliorent pas les choses !

Il ne dit rien pendant quelques secondes, avant de revenir à la charge :

— Ne le prenez pas mal, mademoiselle, mais en cas d'absence de nouvelles sommes conséquentes à votre crédit, dans les plus brefs délais, nous serons dans l'obligation d'entamer des poursuites en recouvrement.

À cet instant, une ombre traversa mon champ de vision.

— C'est ça, grand bien vous fasse ! expédiai-je le banquier, avant de lui raccrocher au nez.

Je n'eus pas le temps d'apercevoir plus qu'un costume trois pièces et des cheveux poivre et sel dévaler les marches du perron, que l'homme grimpa dans le Range Rover garé dans l'allée et démarra sur les chapeaux de roue.

Lips As Red As Hell [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant