« Tu peux m'expliquer pourquoi Petterson t'as demandé de rester tout à l'heure ?! »
Dire que la veille j'avais eu le malheur d'ignorer ce texto de Cassie. Peut-être aurais-je pu éviter le déferlement d'onomatopées et la ribambelle de points d'exclamation qui s'en suivit le samedi matin.
10H50 « Grrrrrr !!! Pourquoi tu réponds pas ???!! »
10H52 « Allez !!! »
10H56 « Oh ! Oh ! Toi, tu caches un truc ! »
A cette vitesse, la mémoire de mon portable risquait d'être saturée avant la fin du weekend. Face à ce harcèlement en règle, j'abdiquai.
11h « Mais non... Hier j'étais naze et ce matin je faisais la grasse mat' ! Il voulait juste savoir où nous en étions dans le programme dans mon ancien lycée. Contente ?! »
Naze ?
Je doutais que quiconque né après 1970 emploie encore ce mot, mais je n'éprouvais pas le courage de me mettre à une nouvelle langue étrangère.
Agacée, je fourrai mon téléphone dans la poche de mon jean. Presque instantanément, je le sentis vibrer. Cette fille allait me rendre folle !
Je continuai de marcher en même temps que je sortais mon portable.
11h01 « T'es pas sérieuse ?! Tu crois vraiment qu'il te garde après les cours juste pour parler du programme ?! T'es encore plus naïve que je ne pensais... Je te le dis, il y a un coup à jouer !!!! Chanceuse !»
Au moment où je finissais de lire son message, le klaxon d'une voiture me fit bondir. Quelqu'un m'attrapa le bras et me tira sèchement en arrière. Une fraction de seconde plus tard, une Ford grise me frôla de quelques centimètres.
Tremblante et encore sous le choc, je tachai de reprendre haleine.
— Mer-ci ! dis-je en me tournant vers mon sauveur.
Un quadragénaire médusé. Les piétons qui attendait sur ce passage clouté me scrutaient tous avec le même air. Quand j'entendis : « Ces jeunes, je te jure... Toujours le nez collé à leur portable ! », je finis de me sentir bête et honteuse.
Je rangeai discrètement mon téléphone et me promis de ne plus m'en servir avant d'être rentrée. Dès que le petit bonhomme luminescent s'illumina, je détalai comme un lapin.
À cause de Cassie il s'en était fallu de peu pour que finisse aplatie sur le bitume, ou dans un fauteuil quatre roues motrices ! Je continuais de maugréer à son encontre quand j'arrivai à Maido Fine Stationery Shop.
Les étagères débordantes de stylos en tout genre, surligneurs, effaceurs et autres accessoires me firent vite oublier mon presque-accident. D'un œil distrait, je consultai la liste que je m'étais astreinte à rédiger. Que cela me plaise ou non, ma mission au lycée était partie pour durer, j'allais donc devoir investir dans du matériel scolaire. Pour les livres, je m'étais déjà arrangée pour en emprunter à la bibliothèque.
Je m'éternisai près d'une heure entre les rayons en ignorant les vibrations en provenance de ma poche. Quand je passai à la caisse, j'avais les mains chargées de petits cahiers couleur kraft, d'une trousse bleue ciel, de crayons à papiers avec gomme intégrée et de stylos-billes noirs.
Le caissier emballa le tout dans un sac plastique et je me remis en route. J'en avais pour presque une demi-heure de marche jusque chez moi, mais au bout d'à peine quelques pas, mon smartphone s'agita de nouveau.
Même si j'avais failli me faire écraser, j'étais trop pressée de rentrer pour m'arrêter sur le chemin dans le seul but de satisfaire la curiosité sans bornes de Cassie. Et comme j'estimais insupportable de sentir ma cuisse vibrer toutes les dix secondes, j'attrapai mon téléphone en continuant d'avancer.
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Lips As Red As Hell [TERMINÉ]
ParanormalQuand la Mort débarque au lycée... Figée dans ses vingt-et-un printemps depuis des siècles, Eléonore mène à San Francisco une vie seulement rythmée par son travail : faucher des âmes. Sa routine est aussi plate que l'encéphalogramme d'un cadavre et...