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Moon - Kid Francescoli, Julia Minkin

Dans la voiture, on se chamailla un peu pour la musique. À plusieurs reprises, j'essayai de changer de station radio mais à chaque fois, David s'empara de ma main pour m'en empêcher. Comme il s'entêtait à vouloir écouter ce stupide groupe inconnu au bataillon, je laissai tomber et me contentai d'observer les lumières de la ville défiler sous mes yeux. Bientôt elles se raréfièrent, remplacées par de grandes étendues dépourvues d'éclairage. Des pelouses. Des arbres. Je me redressai alors, réalisant qu'on s'enfonçait dans le Golden Gate Park.

— Tu prévois un pique-nique ? m'inquiétai-je.

David ne répondit pas.

On finit par s'arrêter au cœur des lieux, aux abords d'un bâtiment longiligne dont la façade était en partie vitrée. Sur le panneau érigé devant, je déchiffrai : California Academy of Science.

Un musée ?!

— Je croyais qu'on allait manger quelque part, lançai-je désappointée en regardant l'obscur bâtiment, une main sur mon ventre qui criait déjà famine.

Pour toute réponse, David sortit du véhicule. Je l'imitai.

— Tu peux me dire ce qu'on fiche ici ?

Il me sourit puis s'avança en direction de l'entrée. Je me lançai à sa suite, agacée, impatiente et un peu déçue. Une fois devant les portes closes du hall, toute lumière éteinte en son sein, ma déception s'accrut. Et ma faim aussi...

— Ça doit être fermé à cette heure, dis-je en consultant les horaires sur mon téléphone.

J'entendis David frapper au carreau.

— Je doute que ça fonctionne... déclarai-je distraitement, les yeux toujours rivés à l'écran.

Et soudain, le son des portes automatiques qui coulissent.

— Matt !

Je levai la tête. David s'était jeté dans les bras du type qui venait selon toute vraisemblance de nous ouvrir. Ils échangèrent une longue accolade puis se tournèrent vers moi.

— Alors c'est elle ? demanda le prénommé Matt avec un grand sourire.

— Oui, confirma fièrement David.

— Et elle est là, ajoutai-je en les fusillant du regard.

— Et elle a du caractère, renchérit Matt en riant.

Il nous fit signe d'avancer, et David me précéda à l'intérieur. J'étais sur le point d'entrer, quand je m'immobilisai sur le seuil. Une brise glacée m'avait soudain hérissé le poil et un sentiment étrange que je n'arrivais pas à identifier électrisait chaque nerf de ma nuque. Mon cœur battait plus vite, mais ça n'était pas à cause de l'excitation. La sensation n'était pas agréable. Je frissonnai.

— Tout va bien ?

Je jetai un regard furtif par-dessus mon épaule avant de me tourner vers David.

— Oui, j'ai juste cru qu'il y avait... que quelqu'un...

Il fronça les sourcils et je secouai la tête.

— Peu importe, dis-je en entrant.

C'était stupide... Même carrément stupide, mais pendant une fraction de seconde j'avais eu l'impression qu'on nous épiait. Le parvis était désert cependant... Il n'y avait rien. Rien, ni personne. Pas même l'ombre d'un chat ou d'un coyotte – on les disait pourtant actifs à la nuit tombée. Ce devait donc être un tour de mon imagination... ou le vent facétieux, agitant les bosquets, qui avait provoqué cette impression de mouvement dans mon dos, et m'avait induite en erreur. Ça, et ma peur maladive de perdre David qui ne faisait que renforcer ma paranoïa chronique...

Lips As Red As Hell [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant