59

1.1K 97 17
                                    

Luan


— Bien sûr que je prendrais soin d'elle. Comme ma propre fille.

Ce quartier était moins calme que le précédent. La fenêtre du salon donnait sur une rue fréquemment côtoyée qui pouvait être parfois plus bruyante que la normale. La chenille géante que le feux rouge venait de créer me mit mal à l'aise. Presque comme si j'étouffais alors, je reculai, massant agressivement ma tempe.

Ce n'est que temporaire.

Je n'affectionnais pas particulièrement ce nouvel appartement. Je l'avais simplement pris faute de mieux. Il était relativement grand mais n'avait rien avoir avec l'espace que nous avions auparavant. Il possédait un balcon mais ce n'était rien comparé au jardin où Hana pouvait jouer. Avec du recul, l'entièreté de l'espace me semblait morose. De la peinture des murs au sol vernis en passant par la décoration. La touche chaleureuse manquait terriblement.

— Khanh, reprit la voix au téléphone, tu es un excellent père. Tu as fait ce que tu as pu.

— Et ce n'est pas assez. Crachai-je.

Je m'assis sur le canapé, frustré voire énervé. « Tu as fait ce que tu as pu. » Si ce n'était pas une preuve d'échec alors qu'est-ce que c'était ? Cette phrase m'irritait pour la simple et bonne raison qu'elle était vraie. Je ne pouvais pas faire plus. En tout cas, je ne savais pas comment m'y prendre. C'était effrayant. Tout avait basculé du jour au lendemain et aujourd'hui, je devais faire en sorte de limiter les dégâts.

— Ne sois pas trop dur avec toi-même. Ce n'est pas de ta faute et ça ne le sera jamais.

Le fin sourire qui apparut n'était pas parce que ses paroles me rassuraient mais plutôt parce qu'elles me rappelaient ma mère. C'était incroyable à quel point sa manière de parler, son accent du nord du Vietnam me la rappelait.

Pendant une large partie de ma vie, je n'avais pas eu contact avec la sœur de ma mère. À vrai dire, nous ne savions pas grand-chose de notre famille maternelle. Même après son décès, aucun d'entre eux n'avait tenté de nous joindre. Du moins, c'était ce que nous pensions. Ce n'est qu'à nos vingt ans que sa petite sœur prit contact avec nous, pour nous expliquer la raison de son absence. Sans aucune surprise, mon père avait avoir là-dedans. Pendant longtemps elle avait essayé de nous joindre sans jamais y arriver.

La première fois que je l'ai vu, j'étais heureux de finalement rencontrer un membre de sa famille. Surtout sa sœur, elles avaient tellement en commun. Mais paradoxalement, c'est aussi cette ressemblance qui m'en a de nouveau éloigné. Elle lui ressemblait tellement que ça en devenait douloureux.

Cependant, aujourd'hui, j'avais besoin d'elle.

— Mais es-tu sûr que c'est la meilleure solution ?

Sa question me fit soupirer une nouvelle fois. Je me frottai le visage, tentant de faire partir la fatigue qui me prenait lentement.

— Je n'ai pas envie qu'elle subisse ça, Linh. Elle est beaucoup trop petite. Je veux seulement la protéger.

Je n'avais aucune envie qu'Hana voit mon état se détériorer. Et je ne voulais pas que la dernière image qu'elle ait de son père soit sur son lit de mort. Elle était bien trop petite pour une chose aussi violente. Voilà pourquoi j'avais pris la dure décision de l'envoyer au Vietnam vivre avec la sœur de ma mère.

— Elle risque de t'en vouloir plus tard.

— Je sais.

— Je ne dis pas ça pour te faire culpabiliser. Je veux juste que tu sois sûr que cette décision est la bonne.

Until The EndOù les histoires vivent. Découvrez maintenant