Luan
Je détestais les envahisseurs.
Vous avez ce genre de personne qui, après avoir découvert une information sur vous, veut tout de suite tisser des liens.
Ce genre de personne qui pense que les frontières que vous aviez posées entre vous se sont effacées à la seconde où vous partagez un secret.
— Je peux savoir ce que vous faites encore dans mon bureau, Nathanaëlle ?
Je me massai la tempe droite, tentant d'apaiser mon mal de tête. J'avais très peu dormi cette nuit. Et les nuits précédentes d'ailleurs. Ça faisait plusieurs années que j'endurais mes insomnies mais cette nuit-là fut particulièrement difficile. Je n'étais donc pas d'humeur à être le centre du jeu « Devine quel frère Pham se trouve devant toi ».
Nathanaëlle se trouvait droite, devant mon bureau, un tas de feuilles dans les mains. Aujourd'hui et pour la première fois, je voyais ses cheveux naturels. Elle les avait plaqués dans un chignon bas avec une raie sur le côté.
Ça lui changeait de ses tresses qui lui arrivait jusqu'au bas du dos ou qu'elle portait dans une haute queue-de-cheval. Cependant cette coiffure lui allait tout aussi bien, je n'allais pas le nier.
— Je viens vous apporter le dossier qu'Anne-Lise devait vous rendre.
Elle fit un pas en avant et un arôme fruité me percuta. Avait-elle un nouveau parfum ? Ce n'était pas celui qu'elle portait habituellement. L'autre avait une touche vanillée assez plaisante. Celui-là ne lui correspondait pas. A vrai dire, son style vestimentaire d'aujourd'hui ne lui ressemblait pas.
Si c'était possible de dire, tout était trop bien accordé ? Ce style faisait Andréa Sachs, lorsqu'elle comprit enfin comment s'accorder aux couleurs de Vogue. Cette tenue lui donnait un air de femme d'affaires sûre d'elle, prête à écraser quelconque obstacle sur son chemin. Ce qui contrastait avec le sourire crispé qu'elle m'offrait.
La plupart du temps, elle portait des vêtements très simples, avec parfois, une couleur qui n'allait pas avec le reste de la tenue.
Quelqu'un était derrière ce style vestimentaire.
Je haussai un sourcil, l'air imperturbable.
— Et pourquoi est-ce vous qui me le ramenez ?
Elle cherchait ses mots, une excuse pouvant justifier du fait qu'elle soit présente pour la troisième fois de la journée dans mon bureau. Même, Jeremy —mon assistant— ne venait pas autant. Nous communiquions principalement par téléphone, s'il n'y avait rien d'urgent.
Je savais très bien pourquoi elle était là. Parce qu'elle faisait partie des envahisseurs.
Après avoir appris notre secret, j'ai tout de suite vu la pitié dans ses yeux. Pourquoi Dinh est notre identité commune ? Pourquoi vivais-je caché ? Ce n'est pas trop dur de vivre sous l'identité de mon frère ? N'ai-je pas envie d'être ma propre personne ?
J'avais entendu ces réflexions tout le long de ma vie et je n'avais pas envie qu'une personne de plus s'ajoute sur la liste.
J'en voulais à Dinh d'avoir été aussi inconscient cette soirée-là. Il n'était pas censé se trouver au bureau ce jour-là. Nous avions un planning très précis et détaillé d'où Dinh devait se trouver à chaque instant.
Et puis, qui ramène son amant et l'embrasse à pleine bouche dans son bureau alors qu'il est censé être, aux yeux de tous, cent pour cent hétéro ?
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Until The End
General FictionNathanaëlle vient de perdre son emploi. Dans le même souffle, une nouvelle opportunité s'offre à elle. Travailler pour l'Atelier Pham du célèbre chef cuisinier et père célibataire, Dinh Pham. Lorsqu'elle accepte, elle est loin de se douter du tourna...