Chapitre 40 : La marionnettiste

174 51 4
                                    

 Avant que Cristal ne comprenne ce qui venait de se passer, le combat prit une tournure inattendue et dramatique. Ses alliés se retournaient les uns contre les autres et combattaient avec autant de hargne que s'ils se trouvaient sur un champ de bataille à affronter des loyalistes.

Cristal pensa d'abord qu'ils étaient plongés dans une illusion qui leur donnait l'impression qu'ils étaient entourés d'ennemis, mais ça n'était pas ça. Non, elle voyait bien dans leurs yeux que ce qu'ils étaient en train de faire les horrifiait au plus haut point. Ils étaient parfaitement conscients de leurs actes et c'était comme si...

— Je ne t'avais jamais montré mon pouvoir principal ? Rit Sinélia. C'est celui que j'ai le plus pratiqué, tous mes serviteurs se sont faits une joie de tester ses limites.

En entendant cela, Cristal avait peur de comprendre. Était-ce cela le fameux rituel qui menait à la mort d'un serviteur par semaine ? Retournait-elle un serviteur contre un autre ? Non, ce rituel était bien pire, se dit-elle en se remémorant les quelques informations qu'elle avait pu obtenir.

Lorsqu'elle en sacrifiait un, elle s'enfermait dans une pièce, seule avec sa victime. À partir de là, des hurlements de douleur perçaient à travers la porte pendant des heures. Si elle recoupait ces informations avec son pouvoir, cela voulait donc dire qu'il était assez puissant pour forcer une personne à se torturer elle-même jusqu'à la mort !

Il fallait qu'elle intervienne si elle ne voulait pas que ses alliés se massacrent entre eux ! Le sort déterminant et les autres attaques secondaires de sa sœur lui prenaient déjà une bonne partie de sa concentration, mais Cristal se risqua tout de même à ajouter une variante à la mélodie pour enfermer chaque rebelle dans un bouclier individuel. Elle ne pouvait rien faire pour éviter qu'ils se blessent eux-mêmes, mais au moins, avec ça, ils ne pouvaient plus s'attaquer entre eux.

— Père m'a toujours interdit de l'utiliser sur nos semblables et encore moins sur les membres de la famille, commenta sa sœur dont ses mains, avec cet instrument, ressemblaient à s'y méprendre à celles d'un marionnettiste en pleine démonstration de son art. Avec toi à mes côtés, il ne pourra bientôt plus m'interdire quoi que ce soit. Quant à toi, tu redeviendras la petite sœur obéissante que tu étais autrefois.

Les provocations de ce genre étaient monnaie courante dans les affrontements qu'elle avait eus avec ses autres frères et sœurs, même si les précédents promettaient surtout de détacher sa tête de son corps pour l'offrir à leur père.

Étant donc habituée à ce genre de paroles, Cristal n'étaient plus affectée et se permettait même d'y répondre. Cependant, alors qu'elle allait lui dire qu'elle ne faisait que rêver et que jamais elle ne deviendrait une poupée sous ses ordres, un spasme dans son bras fit crisser l'archet sur les cordes de son violon.

Jouer était devenu une seconde nature chez elle, si bien qu'elle n'avait pas sorti un son aussi disgracieux depuis des années. Elle avait perdu sa concentration à ce point ? Là encore, la première hypothèse fut vite écartée. La fautive de cette fausse note n'était autre que Sinélia.

— Eh bien, je n'avais jamais rencontré une telle résistance. Une autre personne aurait totalement arrêté de jouer.

Elle avait donc vu juste, sa sœur avait tenté de la contrôler. Certes, cela n'avait pas eu l'effet qu'elle désirait, mais ce crissement d'archet avait plus que déstabilisé Cristal qui avait du mal à reprendre le contrôle du sort déterminant et sentait tous les autres qu'elle avait mis en place pour protéger ses alliés faiblir.

— Mais... Ne serait-ce pas ta servante que je vois là ? Je n'ai jamais compris pourquoi tu t'obstinais à toujours vouloir garder la même.

— Je t'interdis de la toucher ! Paniqua Cristal.

— Si tu ne veux pas baisser ton instrument, peut-être que elle arrivera à le faire.

Totalement affolée à l'idée que Mélyne subisse le même sort que les servants de sa sœur, Cristal regarda sa mère adoptive perdre peu à peu le contrôle de son corps. Avec une pointe de désespoir qui ne cessait de grandir, la jeune elfe tenta d'en finir avec ce combat avant qu'il ne soit trop tard, mais Sinélia était bien trop à l'aise dans cette confrontation pour la laisser gagner.

Malgré ses craintes, Cristal vit tout de même que la démone ne s'infligeait pas de blessures à elle-même. À bien y réfléchir, il en était de même pour tous les autres qui ne faisaient que lancer des sorts qui se brisaient sur les boucliers générés par Cristal. Le fait d'avoir un instrument et de s'être entraîné à la magie devait les avoir rendus plus résistants à son sort de contrôle, si bien qu'elle pouvait ordonner de blesser les autres, mais pas de se blesser eux-mêmes.

Elle n'était cependant pas sortie d'affaire. Mélyne faisait partie des musiciens les plus puissants chez les rebelles et était l'une des rares à pouvoir transpercer le bouclier qu'elle avait généré pour se protéger. Si Cristal se prenait l'un de ses sorts, elle n'en ressortirait pas indemne.

Voyant que ses doigts commençaient à se balader sur les cordes de sa harpe, la jeune elfe réfléchit à un moyen de la stopper. Elle ne voulait surtout pas la blesser et jugeait donc que chacune de ses idées était mauvaise, même si le risque était minime.

Finalement, la démone pinça une dernière corde et une lame de vent si prodigieuse qu'elle en devenait visible à l'œil nu apparut devant elle. Les pouvoirs de Cristal n'avaient de limites que son imagination, alors pourquoi n'arrivait-elle pas à trouver une parade sans danger pour tout le monde ?! Le fait que Sinélia ait pris le contrôle de Mélyne l'avait totalement déstabilisée.

La lame de vent partit alors à une vitesse prodigieuse dans la direction de la jeune elfe sans qu'elle n'ait pu faire quoi que ce soit. Avec sa protection actuelle, elle pouvait s'en sortir, mais elle était certaine d'être mise hors combat.

Alors qu'elle serrait les dents en prévision de l'impact, Cristal vit la lame dévisser et frôler sa protection. En un instant, elle avait changé de direction, rasé le sol jusqu'à l'autre côté de la pièce et était remontée d'un coup au niveau de Sinélia, lui tranchant net les deux mains.

— Je préfère mourir que d'avoir à blesser ma fille, déclara Mélyne tandis que leur adversaire chutait au sol dans un cri de douleur.

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant