Après avoir passé de longues heures à chercher le sommeil par elle-même, ce fut véritablement par fatigue que Syara finit par s'endormir. À son réveil, au vu des draps repoussés à l'autre bout du lit et de l'oreiller qui se trouvait à présent au milieu de la pièce, son sommeil avait été des plus agités, mais elle n'en gardait aucun souvenir.
Elle ne s'en étonna d'ailleurs que peu vu que ça n'était pas la première fois qu'elle se réveillait ainsi. Lorsqu'elle avait emménagé dans les dortoirs de l'école de musique, après que son père se soit enfui en la laissant seule, ce genre de scène matinale était fréquente, voir systématique. Cela s'était raréfié jusqu'à totalement disparaître en quelques années. Ainsi, la beast vit cela comme une réaction de son corps lorsqu'elle était troublée et s'étonna même de n'avoir pas eu de nouvelles crises avant avec tout ce qui lui était arrivé.
En se rendant dans l'alcôve qui servait de salle à manger, la violoniste découvrit que tout le monde était déjà levé à l'exception de sa sœur. Elyazra devait elle aussi être épuisée après avoir accompli sa propre cérémonie. Celle-ci fit tout de même son apparition lorsqu'elle s'assit avec les autres.
La demie-dragonne était totalement débraillée, avait les cheveux ébouriffés et la mâchoire qui se décrochait dans un bâillement interminable. Ses yeux mi clos et sa posture, les épaules en avant et une main occupée à gratter son ventre, montraient qu'elle n'était clairement pas réveillée et que parler avec elle ne permettrait d'obtenir que des grommellements pour toute réponse.
— C'est là où on voit qu'elle tient de son père, plaisanta Elirielle à l'intention de Fos.
— Tant qu'elle n'a pas la même haleine que lui au réveil... enchérit le déchu.
— S'il était encore là, tu t'en serais pris une pour avoir dit ça, rit la dragonne.
— S'il était encore là, je m'en serais pris une même si je n'avais rien dit.
— Mon pauvre, encore un peu et je te plaindrai.
Visiblement, pendant qu'elle s'évertuait à survivre à sa cérémonie de l'âme, tous les deux avaient passé ce temps à discuter et mettre au clair certaines situations. Ainsi, la dragonne et l'ancien détenteur du violon de cristal étaient passés de deux personnes arrivant à peine à se supporter à un simulacre de vieux couple.
C'est dans cette ambiance des plus étranges que Syara finit de petit-déjeuner pendant que sa sœur émergeait peu à peu. La demie-dragonne se réveilla totalement lorsque fut annoncé le programme de la journée qui allait être dédiée à la découverte de leurs nouveaux pouvoirs et à l'entraînement.
À cet instant, Elyazra se mit à engloutir tout ce qui lui passait sous la main, prenant à peine le temps de mâcher et manquant de s'étouffer à plusieurs reprises. Une fois rassasiée, la demie-dragonne sortit de table en courant et disparut, sans doute dans sa chambre pour se préparer.
— Elle est toujours comme ça ? S'interrogea Fos.
— Non, le rassura Phi. Là elle est calme.
N'étant pas aussi pressés qu'elle, le reste du groupe finit tranquillement leur repas et partit se préparer tout aussi normalement. Lorsque Syara rejoignit finalement sa sœur à l'extérieur, celle-ci attendait, les bras croisés et le pied battant la mesure de son impatience.
— J'ai l'impression de voir mon petit frère lors de sa première leçon de vol, rit Élane.
— C'est bon, on peut commencer ? S'empressa-t-elle de demander une fois que tout le monde fut réuni.
— On peut, confirma Fos. J'allais demander à Syara de te faire un mannequin d'entraînement sur lequel frapper, mais vu ton impatience et le fait qu'on ne sache pas à quel point elle maîtrise ses nouveaux pouvoirs, il vaut mieux que ce soit Elirielle qui s'en charge. Syara, tu passeras ensuite si ça te convient.
— Ça me va, se contenta-t-elle de répondre en haussant les épaules, provoquant, par cette absence de réaction, un froncement de sourcil de la part de Phi.
D'un simple tour de main, Elirielle fit apparaître un mannequin de bois devant tout le monde semblable à ceux qui pouvaient être trouvés dans les salles d'entraînement des halls des musiciens. En la voyant faire, la beast se demanda quels étaient les limites des pouvoirs des dragons. Pouvaient-ils faire ce qu'ils voulaient comme elle avec son violon ou avaient-ils des contraintes ? Créer du bois et le modeler était un pouvoir assez spécifique et n'était pas le genre d'habilité trouvable chez n'importe qui.
Tout en se disant qu'elle allait garder cette question pour plus tard, Syara reporta son attention sur sa sœur. Elle n'avait, apparemment, pas invoqué son arme depuis sa cérémonie, ce qui était étonnant vu que la beast pensait qu'elle allait dormir avec au moins le premier mois comme s'il s'agissait de sa peluche favorite.
Affichant un large sourire, Elyazra tendit sa main devant elle et invoqua son arme. Avec elle, sa sœur s'attendait à tout. Une masse d'armes, une hache de guerre aussi grande qu'elle, une claymore, quelque chose qui reflétait bien l'état d'esprit de la demie-dragonne. Ce fut cependant une rapière, fine et élégante qui apparut dans ses mains. Logique, vu qu'elle maîtrisait parfaitement cette arme, se dit la violoniste.
Tout dans l'apparence de cette arme, de la poignée à la pointe, semblait absorber la lumière pour l'emprisonner à jamais à l'intérieur. La lame semblait être faite dans un verre noir qui lui donnait un aspect fragile. Ce verre était d'ailleurs familier à la beast pour l'avoir vu plusieurs fois la veille. De l'obsidienne ?
— Alors ? Qu'est-ce que tu en penses ?
— Elle est magnifique ! La félicita-t-elle. On dirait qu'elle a été faite pour coller avec ton ascendance draconnique.
— T'as vu ? J'ai pensé la même chose !
— Et à part son apparence, elle fait quoi cette arme ?
— ça, on va le savoir tout de suite !
Ne pouvant plus tenir plus longtemps, Elyazra se retourna pour faire face au mannequin d'entraînement. La demie-dragonne leva sa lame devant elle et salua son adversaire qui ne lui rendit pas la politesse, puis donna un premier estoc à cet ennemi malpoli.
Dès que la pointe effleura le plastron de bois, une forte détonation secoua les environs et Elyazra comme le mannequin disparurent dans un épais nuage de fumée noire. Outre ses tympans qui sifflaient, Syara leva un sourcil en se disant que ce genre de pouvoir correspondait bien à sa sœur contrairement au raffinement de son arme qui était aux antipodes de sa personnalité.
— Ely ! S'exclama Phi, folle d'inquiétude.
Lorsque la fumée se dissipa, tous les spectateurs purent voir qu'il ne restait du mannequin qu'une souche calcinée qui ne dépassait que d'une vingtaine de centimètres du sol. Le reste avait été pulvérisé. Assise à côté, Ely était en piteux état, du moins, en apparence. Ses vêtements étaient en lambeaux, sa coupe de cheveux était pire que celle qu'elle avait à son réveil et des traces de suie la recouvraient entièrement. Elle ne semblait malgré tout pas souffrir de ce qui venait de lui arriver.
— Ely, ça va, tu n'es pas blessée ? S'enquit la jeune fée en se portant à son chevet.
— C'est... Le... Meilleurs pouvoir de tous les temps ! S'exclama la demie-dragonne, euphorique, en levant les bras au ciel.
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Le violon de cristal : l'autre monde
Fantasy/!\ ATTENTION : Ceci est le tome 2 du violon de cristal. Il est fortement déconseillé de lire le synopsis sans avoir lu le tome 1 au préalable. Après un combat acharné, Syara a réussi, avec l'aide de ses amis, à vaincre Anela, sa mère, et à empêcher...