Chapitre 72 : Des instructions pour les deux irresponsables

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 — Je... Je voulais vraiment venir avec vous, balbutia Phi. Je m'inquiétais trop à l'idée de vous laisser partir toutes les deux et qu'il vous arrive quelque chose.

— Et Sae, tu as pensé à elle ? Si elle a besoin d'aide, il n'y aura que Rael et Guard de disponible ! Vous étiez censés rester tous les trois disponibles au cas où elle aurait besoin de vous !

— Je le sais mais... mais...

— Mais quoi ?!

— Mais j'ai le sentiment que vous allez vous lancer dans quelque chose de dangereux et que vous allez avoir besoin de moi, finit-elle par répondre, s'accroupissant et fondant en larmes l'instant d'après.

Si Syara préférait d'habitude encourager les initiatives que pouvaient prendre Phi pour qu'elle gagne en assurance, elle ne pouvait cette fois-ci pas lui laisser passer ce qu'elle avait fait. Du moins, en apparence. En voyant qu'elle n'était pas sortie de sa chambre lorsqu'elles étaient parties, la violoniste s'était bien doutée que Phi se cachait dans les affaires d'Elyazra. Elle aurait très bien pu le révéler avant leur départ. Elle ne voulait donc pas la renvoyer et respectait ce choix d'avoir désobéi à ce que tout le monde avait convenu. Après tout, elle-même n'en faisait souvent qu'à sa tête, mais elle voulait qu'elle l'assume ce choix.

— Ely, Shay ou ton père t'ont déjà parlé des autres dragons ? Ils sont dangereux ?

— Aucune idée. Je ne savais même pas qu'il en existait d'autres, répondit-elle en haussant les épaules. S'ils sont comme eux, ça ne devrait pas poser de problème, mais vu que l'esprit de ton violon nous a fait comprendre que cette réunion était exceptionnelle et qu'ils ne se réunissaient qu'en cas de crise majeure, ça n'est peut-être pas la réunion qui va être dangereuse, mais ce qui va suivre. À vrai dire, moi aussi j'ai l'impression qu'on va bien s'amuser.

— Tu penses donc qu'elle ne sera pas de trop toi aussi.

— Donc...Vous voulez bien que je vienne ? Questionna la fée d'une petite voix en relevant la tête.

— De toute façon, on ne va pas faire demi-tour maintenant. Nous ne sommes déjà pas en avance, alors si nous te ramenons à la maison, nous allons rater la réunion. J'espère juste que Guard et Rael ne s'inquiéteront pas trop.

— Ils ont l... commença la jeune fée, finissant sa phrase en un murmure inaudible.

— Quoi ?

— Ils ont laissé une lettre, répéta-t-elle, plus fort cette fois-ci. Je les ai vu ouvrir le sac et la glisser à l'intérieur. J'ai bien cru qu'ils allaient me trouver à ce moment-là.

Intriguées, les deux sœurs se rapprochèrent du sac. Elyazra l'ouvrit et trouva effectivement une lettre au milieu de ses affaires de rechange. Avec un sourcil d'étonnement relevé, la demie-dragonne la déplia et se mit à lire en silence ce qui y était inscrit.

— J'y crois pas ! Mais de quoi il se mêle celui-là ?! Explosa-t-elle.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— C'est Rael. Il a écrit que même si nous avions réussi la mission d'escorte, nous n'avons pas encore vendu les pierres précieuses. À cause de ça, nous n'avons encore que très peu d'argent pour ce voyage et que je devais donc surveiller ma consommation de bière !

— Il te connaît si bien ! s'esclaffa Syara.

— C'est ça, marre-toi. La suite te concerne et c'est l'écriture de Guard. Il dit que manger de la viande était bien, mais que tu devrais faire attention à ton alimentation et prendre aussi des légumes.

Perdant son sourire, Syara prit la lettre des mains de sa sœur et la parcourut rapidement. La première partie avait une écriture fine et délicate et concernait effectivement la descente de boisson d'Elyazra. La violoniste ne voyait d'ailleurs pas vraiment pourquoi il avait marqué une telle chose. C'était elle qui avait leur argent, donc il n'y aurait pas de problème de ce côté-là. La beast émit d'ailleurs l'hypothèse que ce paragraphe n'avait finalement pour vocation que de créer une dispute à leur retour pour une réconciliation sur l'oreiller.

Le second paragraphe était plus brouillon. L'écriture moins fluide et plus appuyée peinait à rester droite sur la feuille. Comme l'avait annoncé Elyazra, il la mettait en garde sur son alimentation, lui disait de ne pas se goinfrer et surtout de manger équilibré et non uniquement ce qu'elle aimait.

— Il se prend pour mon père ou quoi ?! Explosa-t-elle à son tour.

— Il faut dire qu'il tient un peu ce rôle-là, commenta Phi à voix basse et en détournant le regard vers le bas.

— D'un certain point de vue, il est celui qui est le plus à même de tenir ce rôle, réfléchit la demie-dragonne. Après tout, en aidant ton père à t'enlever et à te cacher de notre mère, il est ce qui se rapproche le plus d'un membre de ta famille. À part moi bien évidemment.

— Ça n'est pas une raison pour m'écrire ça. Je ne suis plus une gamine et je ne l'ai pas attendu pour bien manger !

— Bien sûr, bien sûr.

— Quoi ? Tu en doutes ?

— Disons que je ne me souviens pas avoir vu beaucoup de verdure dans ta cuisine lorsque j'ai emménagé dans ton appartement.

— Lorsque tu as squatté mon lit et lui mon canapé, rectifia-t-elle. Et si je mange principalement de la viande, c'est parce qu'il s'agit de mon alimentation. Je descends du loup je te rappelle !

— Il me semble pourtant avoir entendu au détour d'une conversation que le régime alimentaire des beasts, quelle que soit l'espèce dont ils étaient issus, était similaire à celui des humains.

— Oui eh bien je... heu... Je fais ça pour me reconnecter à mes origines, voilà !

— Ne va pas trop loin dans la reconnexion, j'aurai trop honte de marcher à tes côtés si tu commences à te déplacer à quatre pattes, pouffa de rire Elyazra.

Ça y est, Syara avait pris sa décision. Il n'était pas question qu'elle abandonne sa vengeance. Elle allait faire payer à sa sœur son plongeon forcé dans la rivière, mais aussi toutes ses moqueries. La connaissant, elle avait beau être pliée en deux et rire à gorge déployée, elle était tout de même sur ses gardes au cas où la violoniste voudrait en venir aux mains. Elle attendrait donc que la demie-dragonne baisse sa garde, plus tard, lorsqu'elle aurait même oublié pourquoi elle méritait une telle punition, pour frapper.

— Ils n'ont écrit que ça ? Questionna Phi qui, pour une fois, semblait amusée par leurs chamailleries.

— Non, remarqua effectivement la Beast. Il y a une dernière ligne. PS : prenez soin de Phi qui ne s'est évidemment pas enfermée dans sa chambre, mais est allée se cacher dans le sac d'Ely pour vous accompagner.  

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant