Le violon de cristal : l'autre monde

Chapitre 161 : Les doutes de Phi

 Comme à son habitude à chaque fois qu'il leur arrivait la moindre chose, Phi avait insisté pour ausculter Elyazra et s'assurer que l'explosion ne lui avait rien fait. Même si la demie-dragonne la laissait faire, il était clair que sa seule envie était d'en finir rapidement pour pouvoir recommencer.

— Bon, Shay m'avait appris à créer un enduit pour que mes vêtements supportent mes flammes, mais j'ai comme l'impression qu'il va falloir que j'en trouve un pour résister aux explosions, plaisanta-t-elle pendant l'examen de la fée.

— Comme si ça te dérangeait de combattre à poil, s'esclaffa Orélius.

Prenant la première chose qui lui tomba sous la main, Elyazra lança avec violence une pierre au visage de son cousin qui s'attendait certainement à cette attaque et rattrapa le projectile au vol. De son côté, Syara était déçue. Elle aurait voulu lui dire exactement la même chose, mais le demi-dragon l'avait devancée. Elle resta donc à observer passivement, tout de même rassurée de ne pas avoir eu à esquiver une pierre lancée par sa sœur.

— Détourne les yeux toi !

— Ça va, il en reste assez pour cacher le plus important, rétorqua Orélius. Et de toute façon, ça n'est pas la première fois que je te vois nue. Je te rappelle qu'on se lavait ensemble dans la forêt.

— C'est pas pareil, on était gamins !

— C'était il y a moins d'un an...

— Et sinon, tu as l'impression d'avoir d'autres pouvoirs que celui là ? Demanda plutôt la violoniste pour tuer dans l'œuf la dispute naissante.

Plutôt qu'une réponse de sa sœur, ce fut Phi qui se releva et lui jeta un regard noir. Elle n'avait pourtant rien fait, pourquoi agissait-elle ainsi ?

— Qui êtes-vous ? Demanda-t-elle sèchement.

— Phi ? Qu'est-ce qui te prend ? S'étonna Elyazra.

— Depuis qu'elle est revenue de sa cérémonie, Syara est totalement différente. Elle est apathique, ne dit presque rien, ne s'est même pas inquiétée quand tu t'es prise l'explosion et elle n'a l'air de se soucier que de tes nouveaux pouvoirs.

— J'étais épuisée, je ne dis rien parce que je n'ai rien à dire, je ne me suis pas inquiétée parce que je sais qu'Ely en a vu bien d'autres et bien sûr que je me soucie de ses nouveaux pouvoirs vu qu'on est là pour les expérimenter ! Se défendit-elle.

— Il y a quelque chose de changé en toi, je ne te reconnais plus.

— Si tu penses que ça n'est pas Syara, mettons là à l'épreuve, proposa la demie-dragonne. Si tu es bien ma sœur, dis-moi sincèrement ce que tu penses de moi.

— Tu es une alcoolique perverse colérique butée qui cherche toujours la confrontation et complique des situations pourtant simples à régler sans employer la force, lista-t-elle sans même prendre le temps d'y réfléchir.

— Tu vois bien que c'est Syara ! Répondit-elle comme une évidence sans même s'offusquer de toutes les horreurs qu'elle venait de dire sur elle. D'ailleurs en parlant de perverse, je ne t'ai pas raconté la dernière fois avec Rael ! Vraiment, on sous-estime les membres cybers. Ce qu'il a fait avec son bras mécanique, on aurait dit qu'il avait été créé tout spécialement pour mon propre plaisir person...

— Mais ça va pas de raconter ça devant Phi ?! S'emporta la beast.

— Tu vois. Il te faut une preuve supplémentaire que c'est bien ma sœur ? Il n'y a qu'elle pour réagir comme ça quand tu es dans les parages et que je parle de choses d'adulte.

— Je... Je ne sais pas...

Sans se dire quoi que ce soit, Syara et Elirielle se consultèrent du regard. La violoniste voulait cacher cela justement pour éviter d'inquiéter la jeune fée, mais vu les doutes qu'elle avait, mieux valait à présent lui donner de plus amples explications.

— Tes doutes sont peut-être fondés, annonça la dragonne.

— Quoi ? vraiment ? S'étonna Elyazra. Mais du coup, c'est qui ? Qui ose me traiter d'alcoolique perverse dégénérée ?!

Plutôt que de laisser Elirielle expliquer à sa place, Syara leur raconta le déroulé de sa cérémonie, le combat contre l'ombre et son amnésie. Elle enchaîna ensuite sur sa discussion qu'elle avait eue avec Elirielle la veille ainsi que ses craintes que l'ombre lui ait effectivement fait quelque chose.

Savoir la vérité sembla apaiser Phi, bien que l'inquiétude que la beast voulait à tout prix éviter se lisait à présent sur son visage. Elle plus que tout autre savait quels genres de mauvaises choses pouvait faire l'ombre. Elle avait transformé son père en un monstre pour elle et ne voulait certainement pas que la même chose arrive à son amie.

— Pour le moment, ce ne sont que des suppositions et je me sens très bien, lui assura-t-elle en posant ses mains sur les épaules de la fée. Je ne t'ai pas menti en disant que mon manque de réaction hier était dû à la fatigue et que je ne me suis pas inquiétée pour Ely parce que je connais ses capacités. Il est possible que je me mette à changer sans m'en rendre compte, mais j'ai chargé Elirielle de me surveiller au cas où. Si tu décèles la moindre chose d'étrange chez moi, au moindre doute, même minime, va la voir pour lui en parler.

— D'accord, je te crois. Je ferai attention pour qu'on puisse te venir en aide à temps.

— Je compte sur toi, sourit la violoniste. En attendant, si Ely va bien, elle ne va pas continuer à s'entraîner avec des vêtements dans cet état. C'est donc à moi de prendre le relais !

— Eh ! Ça ne me dérange pas ! Je peux très bien continuer à faire péter des trucs comme ça ! En plus, je ne vais pas ruiner toutes mes affaires de rechange, donc il vaut même mieux que j'en profite pour continuer !

— Tu recommenceras après, la tempéra Orélius. Laisse un peu ta sœur découvrir ses nouveaux pouvoirs elle aussi.

— Bon, d'accord, j'ai compris ! La scène est à toi, amuse-toi bien !

Pendant que la demie-dragonne allait bouder en s'installant sur le rocher que Syara avait occupé peu de temps avant, Elirielle se chargea de faire apparaître un nouveau mannequin d'entraînement. Le moment de vérité était enfin arrivé. Elle avait lié le violon de cristal à son âme, mais allait-elle pouvoir le contrôler aussi aisément.

Invoquant son instrument, Syara ressentit la même chose que la veille. Beaucoup de puissance, mais un certain malaise latent qui en émanait. La beast prit une grande inspiration et tenta de faire abstraction de cette impression. Elle posa le violon sur son épaule et approcha l'archet des cordes.

Au moment où elle effleura l'une d'elles, une impulsion coucha le mannequin, mais la projeta aussi en arrière. La violoniste heurta violemment la paroi rocheuse derrière elle et sentit une vive douleur à l'arrière du crâne.

Syara tomba lourdement au sol, mais ne le sentit même pas, le choc qu'elle avait reçu à la tête lui ayant fait perdre connaissance.