Chapitre 80 : Un serviteur plus conciliant

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 Arrivées dans le premier couloir de la forteresse, celui sur lequel s'ouvrait la porte d'entrée, les deux sœurs et la jeune fée ne tardèrent pas à croiser une nouvelle personne. Celle-ci était vêtue des mêmes habits que le gardien de la porte. Il n'en fallait pas plus pour qu'Elyazra ouvre la marche et que Syara craigne qu'elle n'aille assommer cette personne aussi.

— Dites, vous êtes un servant ou je ne sais quoi dans ce château, n'est-ce pas ? Notre guide a eu un malaise juste après nous avoir ouvert la porte. Vous pourriez nous emmener au Kiel'Felas ?

Se penchant sur le côté pour constater de ses propres yeux que le gardien de la porte était effectivement inconscient, le serviteur de la forteresse revint sur elles l'instant d'après, visiblement peu inquiété par la situation de son comparse. Syara était, de son côté, rassurée de voir sa sœur parler avec sa bouche plutôt qu'avec ses poings pour une fois.

— Puis-je savoir à qui j'ai affaire ?

— Bien sûr ! Nous sommes Kiel'Olos, Kiel'Soma et Kiel'c'est pas tes oignons, pose pas de question si tu ne veux pas finir comme ton copain, répondit la demie-dragonne avec un large sourire.

Bon, eh bien la diplomatie calme et posée n'aura pas duré bien longtemps, pensa Syara en roulant des yeux. Heureusement que Phi savait qu'il ne fallait pas prendre exemple sur Elyazra. Elle aurait autrement une très mauvaise influence sur la jeune souveraine des fées.

— Suivez-moi, je vais vous mener à vos places, répondit le serviteur en s'inclinant et sans relever la menace.

Prenant la tête du groupe, le serviteur guida les visiteurs et les fit traverser plusieurs couloirs avant de leur faire descendre un escalier. Vu la forteresse, Syara aurait cru que la réunion des dragons se serait tenue dans une pièce des étages supérieurs, mais le serviteur semblait plutôt les conduire dans les tréfonds de la terre. Les murs n'étaient d'ailleurs plus en pierre taillée, mais brut comme le seraient les parois d'une grotte.

— Dis, il nous conduit vraiment au Kiel'Felas ? Chuchota-t-elle à l'oreille de sa sœur.

— Qu'est-ce que j'en sais ? Je te rappelle qu'avant de recevoir ces lettres, je ne savais même pas qu'il y avait d'autres dragons encore en vie.

— Tu penses qu'on peut lui faire confiance ? Il nous conduit peut-être dans un piège après avoir vu que tu avais assommé l'autre.

— De ce qu'on a entendu, les dragons ont vraiment une réputation de merde. Je n'ai fait que me fier à ça pour adopter un discours qui correspondait, répondit-elle en haussant les épaules. Au pire, si c'est un piège, on va pouvoir s'amuser et se défouler un peu.

Comme d'habitude, le relativisme de la demie-dragonne amusa tout autant qu'il exaspéra la beast. Restait donc à savoir si leur guide les amenait effectivement au Kiel'Felas ou s'il allait leur permettre de s'amuser et de se défouler comme elle le disait si bien.

Une fois les escaliers descendus, ceux-ci faisant étrangement penser à ceux qui permettaient d'accéder au coffre de cristal, étroits, interminables et avec des marches inégales, le groupe arriva dans une grotte circulaire éclairée grâce à plusieurs torches. Une dizaine de boyaux partaient de cette nouvelle pièce et s'enfonçaient tous dans les ténèbres. Tout ceci n'avait rien de rassurant.

— Kiel'Soma, veuillez prendre ce chemin. Kiel'Olos, celui-ci, indiqua le guide en pointant deux passages différents. Ils vous mèneront à vos places respectives.

— Voilà qu'on est séparé maintenant ! Dites, vous ne seriez pas en train de vous foutre de nous et de nous emmener dans un traquenard à tout hasard ?

— Vous êtes des Kiels et vous avez été invitées par mon maître. Je ne vois pas pourquoi je vous emmènerai autre part qu'au Kiel'Félas. C'est d'ailleurs vous qui m'avez demandé de vous y conduire.

— Peut-être parce que vous avez vu que votre collègue était inconscient et que vous nous prenez pour des intrus, argumenta Syara.

— J'ai cru comprendre que vous l'aviez assommé parce qu'il avait refusé l'entrée à votre amie. Je connais bien ce garde et je sais à quel point il peut être à cheval sur les règles. Pour ma part, le fait que vous ayez agi ainsi à son encontre ne montre que votre insistance à la garder auprès de vous. Ainsi, même si sa présence est contre les règles, je préfère me plier aux demandes des Kiels en me disant que vous estimez que sa présence est importante pour le Kiel'Felas.

— Enfin quelqu'un de raisonnable et d'un minimum intelligent dans ce foutu château ! S'exclama Elyazra. Bon, je dois aller où moi déjà ?

— L'entrée du Kiel'Olos est par ici, indiqua le guide en pointant de nouveau l'un des boyaux.

— Si mon intuition est bonne, on ne tardera de toute façon pas à se retrouver. À tout de suite petite sœur, prend soin de Phi !

Sans prendre la moindre précaution supplémentaire, les explications du guide l'ayant visiblement convaincue, Elyazra s'engouffra dans le passage qui lui était dédié. Syara et Phi la regardèrent disparaître dans les ténèbres, puis finirent par avancer dans leur propre passage. Cela ne servait de toute façon à rien de rester planté dans cette première grotte et le guide marquait un point en disant qu'elles avaient été invitées et qu'il n'y avait donc aucune raison qu'il essaie de les tromper.

Un autre point indiquait d'ailleurs qu'il s'agissait du bon chemin aux yeux de Syara. Vu que Fos leur avait révélé cette nouvelle mission, avait insisté pour qu'elles s'y rendent et les avait guidées jusqu'ici, si le Kiel'Felas ne se trouvait pas dans les entrailles de la terre, l'esprit du violon se serait sans doute manifesté pour la prévenir.

Contrairement à la grotte d'où partait tous les chemins, le boyau que la fée et la beast empruntait n'était pas éclairé. Heureusement, la magie de lumière de Phi leur permit d'avoir une source de lumière pour avancer plus sereinement dans le couloir naturel sinueux.

Là encore, tout comme les escaliers, la marche sembla interminable. Il n'y avait eu aucune intersection, donc aucun moyen de se perdre. Le couloir était assez large pour qu'elles puissent marcher cote à cote sans se gêner. Heureusement, pensa la beast. Si le passage avait été plus étroit, en pensant aux tonnes de pierres et de terre qui se trouvait au-dessus de sa tête, il y aurait eu de quoi devenir rapidement claustrophobe.

Arrivées à un angle droit, Phi et Syara remarquèrent une lumière rouge au bout du passage. Elles étaient enfin parvenues à l'autre bout et la teinte de cette lueur ne les fit qu'aller dans le sens de l'une des suppositions qu'elles avaient faites au milieu du trajet, alors qu'elles avaient remarqué qu'il faisait de plus en plus chaud à mesure qu'elles avançaient.

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant