Le violon de cristal : l'autre monde

Chapitre 27 : Le chemin de la torture

 Traînée pendant des dizaines de minutes sur le sol rocailleux, Cristal croyait sa dernière heure arrivée. Son dos et ses jambes qui frottaient contre le sol étaient en charpie et même le coup de poignard qu'elle avait reçu en plein cœur ne lui avait pas semblé être aussi douloureux.

Elle avait beau pleurer, hurler de douleur, supplier pour qu'ils arrêtent de la traîner ainsi, tout ce qu'elle récoltait n'était que des coups de poing au visage, des coups de bottes dans les côtes et encore et toujours des crachats.

Toutes les insultes possibles et imaginables avaient été prononcées à son encontre et, à les entendre, elle était personnellement responsable de tout ce qui leur était arrivé de mal dans leur vie. Mais la chose la plus effroyable qu'elle entendit ne fut ni une insulte, ni un reproche. Juste un commentaire, lâché comme si de rien était d'un homme à un autre, qui disait qu'il ne s'était jamais fait d'elfe.

Était-ce véritablement ce genre de personne qu'elle voulait aider ? Eux qui ressemblaient à des bêtes enragées et qui, entre deux insultes, insinuaient avec la plus grande décontraction qu'ils allaient la violer si l'envie leur en prenait ?

Cristal en venait à penser que si tel était le sort qu'on lui réservait, elle préférait que l'une des nombreuses pierres qui lui lacéraient le dos soit vraiment mal placée et la tue avant qu'ils ne tentent quoi que ce soit.

Ce souhait ne fut cependant pas exaucé et, à l'arrivée dans la ville, la jeune elfe sentit que les rues avaient tout de même été débarrassées de nombreuses pierres pour les rendre plus praticables. Elle en sentait encore certaines lui percer la chair, mais ça n'était tout de même pas comparable au chemin de pierres sur lequel ils l'avait traînée.

Elle devait avoir perdu beaucoup de sang vu qu'elle manquait de s'évanouir et la trace rouge qu'elle laissait sur son passage ne faisait que le confirmer. Pourquoi luttait-elle ? Pourquoi ne se laissait-elle pas sombrer dans l'inconscience qui la libérerait de la douleur ? L'espoir peut-être. L'espoir qu'ils s'arrêtent et la laissent tranquille. L'espoir de revoir Mélyne.

À mesure qu'ils continuaient de la traîner dans la ville, ce spectacle attira de plus en plus de monde qui se massait derrière ses tortionnaires pour les suivre. Malgré ses oreilles qui bourdonnaient, elle pouvait entendre des cris de haine contre les elfes dont elle était visiblement leur représentante officielle.

Tout comme les hommes d'Isphiale, on l'accusait personnellement de crimes commis par des elfes qu'elle ne connaissait même pas. Certains allaient même jusqu'à lui reprocher des choses où son peuple n'en était même pas à l'origine ! Ces personnes avaient besoin de déverser toutes leurs émotions négatives et c'était sur elle que c'était tombé.

Après avoir rassemblé plusieurs rues ainsi, Cristal sentit quelque chose de différent dans son dos. D'abord plusieurs à-coups, puis un sol parfaitement plat. En tournant la tête sur le côté, la jeune elfe vit que tout le monde s'était rassemblé et qu'elle était sur une place. On l'avait fait monter sur une estrade pour que tout le monde la voie. Non, pas une estrade. Une potence.

— Mes chers camarades, laissez-moi vous présenter une invitée toute particulière ! Lança Isphiale.

Sous les huées, Cristal se sentit être prise sous les aisselles et être relevée. Sa tête était pendante, elle n'avait plus la force de la relever, mais ça n'était visiblement pas de leur goût. L'un de ceux qui la tenait la prit alors par les cheveux et tira en arrière pour lui faire lever la tête. Dans cette position, elle pouvait parfaitement voir tous les regards de haine qui la visaient. Tous ces gens étaient comme rassemblées pour tenir dans la boucle de la corde qui pendait devant elle.

— Cristal... Petite dernière de la famille royale !

— Monstre !

— Assassin !

— C'est à cause de toi et de ton peuple qu'on doit se terrer ici !

— Lorsque nous avons récupéré cette petite garce et qu'elle a été ramenée ici, sans que vous ne soyez prévenus, bien évidemment, elle était plutôt mal en point. Malgré mes protestations auprès du conseil, ils ont décidé de la soigner.

— Elle ne mérite que de crever ! Tonna une voix dans la foule.

— Nous allons régler ça, mais avant, je voudrais vous expliquer ce qui s'est passé. En échange de nos soins, nous lui avons demandé de nous enseigner comment créer un instrument de l'âme. Là où les prêtres que nous avons capturés jusque-là ont préféré la mort, elle n'a pas hésité à tout nous dire.

— Mais alors... Pourquoi vous la... balbutia quelqu'un au premier rang.

— Parce qu'il ne faut pas croire une seule parole qui sorte de la bouche d'un elfe ! Elle nous a menti !

Mais que racontait-elle ? Elle n'avait pas menti ! Et comment pouvait-elle savoir quoi que ce soit ? Elle n'était même pas présente lorsqu'elle avait donné les explications sur le déroulé de la cérémonie. À moins que... elle était présente à la sortie. Avait-elle écouté à la porte ?

— Cinq personnes courageuses ont tenté d'accomplir ce soit disant rituel. Quatre sont mortes et le dernier n'a toujours pas retrouvé connaissance !

Ils avaient tenté le rituel avant qu'elle n'ait pu relire, corriger et apporté des précisions sur le rapport qui devait être fait ? Ils avaient tenté le rituel sans les schémas qu'elle devait fournir ? Mais qu'est-ce qui leur avait pris ?!

Cristal voulut immédiatement protester, mais au premier son sorti de sa bouche, la jeune elfe reçut un violent coup de poing dans le ventre. Ce geste était visiblement apprécié du public qui se mit à applaudir cet excès de violence tout en continuant de la traiter de meurtrière.

— Ils ne cessaient de vanter qu'elle n'était pas comme les autres, mais les résultats sont là. J'ai perdu quatre compagnons, quatre amis à cause d'elle ! Qui sait ce qui se serait passé si nous n'avions pas pris cette initiative et si ce faux rituel avait été accompli à une plus grande échelle ? Ne vous y trompez pas, tous les elfes quels qu'ils soient ne méritent qu'une chose. Se balancer au bout d'une corde. Nous allons maintenant donner à celle-là ce qu'elle mérite.