Chapitre 82 : l'ordre du jour du Kiel'Felas

182 44 4
                                    

 Un à un, les dragons prirent forme humanoïde. De ce que Syara voyait, il y avait autant de femmes que d'hommes parmi eux. Pour ce qui était des races imitées, la plupart étaient humaines, mais elle vit tout de même un elfe noir et une démone parmi eux.

— Avant de reprendre, puis-je savoir pourquoi Kiel'Soma est accompagnée ?

Tous les regards se tournant vers Phi, la jeune fée sembla regretter d'avoir insisté pour venir et se cacha derrière Syara. Elle pouvait très bien la laisser se justifier par elle-même, mais voyait aussi que les dragons l'intimidaient bien trop pour qu'elle puisse dire quoi que ce soit.

— Où que j'aille, elle vient, trancha Syara. Si ça vous pose un problème, nous n'avons plus rien à nous dire.

— Aussi arrogante que Fos, constata une dragonne.

— Et si, au lieu de s'attarder sur des détails, vous nous disiez pourquoi nous avons dû nous farcir deux semaines d'escalade ?

— J'aimerais bien aussi être tenu au courant, ajouta Orélius. Vous pouvez vous dire qu'elles n'avaient qu'à arriver à l'heure, mais moi, j'étais là dès le départ et vous m'avez tout bonnement ignoré.

— Le Kiel'Felas a été convoqué car le monde court un grave danger. Les anges sont en train de réunir leur armée et vont sans doute bientôt déferler pour s'emparer de ce monde. Anela, leur envoyée, a dû trouver les partitions perdues et ne va pas tarder à les utiliser pour ouvrir un portail.

— Ça, ça me ferait mal. Elle est morte, annonça Elyazra avant de prendre un nouveau bout de saucisson. Vos informations datent un peu.

— Morte, vous en êtes sûres ? Questionna un membre du conseil sans chercher à cacher sa surprise.

— Elle a été décapitée, on a brûlé son corps et on s'est assuré qu'il n'en restait que des cendres, alors oui, je suis plutôt sûre.

— Vous avez réussi à pénétrer sur son île et à la terrasser ? Comment avez-vous fait ?

— On n'avait rien demandé nous ! C'est elle qui nous a enlevées, ma sœur et moi !

— Pourquoi ferait-elle une telle chose ?

— Parce qu'elle était notre mère, avoua Syara.

— Mais c'était surtout une connasse, ajouta Elyazra en continuant sa mastication.

— Et c'était une connasse, confirma la beast. Elle voulait se servir de nous pour transférer son âme dans l'un de nos corps. Le feu des dragons a protégé Ely et le violon m'a protégée moi. Nous l'avons combattue elle et ses serviteurs, nous y avons perdu un ami proche et j'ai personnellement utilisé une symphonie de l'âme pour refermer le portail qu'elle tentait d'ouvrir avec les partitions perdues. En bref, comme l'a dit ma sœur, vos informations datent un peu.

Avec ces nouvelles informations en leur possession, les dragons se mirent à parler entre eux sans chercher à respecter la parole de chacun. Certains se demandaient si le message reçu était toujours d'actualité, d'autres se demandaient s'il était bien raisonnable de laisser les filles de leur pire ennemie assister au Kiel'Felas.

— Donc tu as retrouvé ta mère ? Questionna Orélius.

— Crois-moi, j'aurais préféré ne jamais la rencontrer.

— Et cette personne est donc ta sœur.

— C'est ça ! Il s'agit de ma petite sœur, même si nous n'avons pas le même père. Elle est parfois rabat-joie, elle crie beaucoup et s'énerve pour un rien, mais à part ça, elle est gentille.

Ne relevant pas ce qui venait d'être dit pour ne pas lui donner raison, Syara se focalisa plutôt sur Orélius. Il s'agissait donc du fils de Shay. Après le Kiel'Felas, elle devrait s'excuser auprès de lui. Après tout, elle était en partie responsable de la mort de son père.

— Quand est-ce que c'est arrivé ? Finit par demander un dragon. Quand avez-vous tué Anela ?

— Ça doit faire environ six mois, répondit la beast après un moment de réflexion.

— Alors ça ne colle pas, annonça gravement celui qui avait posé la question. Le rapport que nous avons reçu date de trois mois. Même en prenant en compte le temps passé entre le moment où il a été rédigé et son arrivée dans mes mains, il est impossible que tout ceci concorde.

— Ils réuniraient donc une armée sans avoir personne pour ouvrir de passage de ce côté ? C'est insensé, jamais ils ne pourront traverser !

— Eh bah voilà, problème réglé ! Annonça Elyazra. Bon, si vous pouviez nous ramener chez nous maintenant. Je n'ai pas envie de me taper le retour à pied moi.

— À moins que la tentative d'ouverture du portail n'ait fragilisé le voile entre les mondes et qu'ils soient capables d'exploiter cette faille de leur côté, argumenta la dragonne à l'apparence démoniaque en ignorant totalement le commentaire d'Elyazra.

— Es-tu certaine d'avoir bien refermé la faille ? À quel point était-elle ouverte ?

— Lorsque je l'ai refermé, il n'en restait plus aucune trace, mais avant ça, il était assez ouvert pour voir ce qu'il y avait de l'autre côté, se rappela la violoniste.

— Voir de l'autre côté ? Alors vous avez peut-être raison. Les anges peuvent sans doute ouvrir un passage depuis leur monde. S'ils y arrivent, la guerre qui s'en suivra sera dévastatrice.

— Ceux qui protégeaient la conn... Anela n'étaient pas si terribles, commenta Elyazra.

— Des anges la protégeaient ?

— Il s'agissait de démons qu'elle a manipulés. Ils portaient tous un collier qui les a transformés en anges. Ils ont repris leur véritable apparence à leur mort. L'un de mes amis, mon mentor, était l'un d'entre eux et il n'avait aucune idée de ce que renfermait ce collier et n'était certainement pas un ennemi de ce monde.

— Des âmes d'anges enfermées dans des pendentifs... S'il en existe d'autres éparpillées dans le monde entier, leur invasion a peut-être déjà commencé, s'inquiéta le dragon dont l'apparence était celle d'un elfe noir.

— Leurs pendentifs avaient la forme de l'arme qu'ils maniaient en tant qu'ange, se rappela Elyazra.

— Des bijoux en forme d'armes. Nous savions que les personnes sous ses ordres en avaient, mais il s'agit de formes plus que répandues... se désola une dragonne. Si nous n'avons rien remarqué en mille ans, cela veut dire que l'âme des anges qui s'y trouve est indétectable. Je ne vois pas comment contrer les éventuels infiltrés dans ces conditions.

— En gros, on est dans la merde, résuma la demie-dragonne. Bon, on fait quoi pour empêcher ça ?

Passant outre la vulgarité d'Elyazra, tous s'accordèrent sur ce point. Cette réunion n'avait finalement aucun rapport avec l'apparition d'une impératrice harpie comme le pensait Syara, mais vu ce qui se disait, elle aurait largement préféré qu'ils se soient réunis pour parler de ce sujet plutôt que celui réellement abordé. De plus, elle sentait bien qu'elle allait avoir un rôle important à jouer et cela ne lui plaisait déjà pas, même sans savoir ce dont il allait s'agir.  

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant