Chapitre 141 : L'île du déchu

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 L'anneau de téléportation ouvert après qu'Élane y ait insufflé un peu de magie, le groupe traversa le portail et se retrouva sur une toute nouvelle île. Si passer de l'une à l'autre donnait l'impression qu'elles étaient proches, ce qui s'y trouvait leur fit vite comprendre qu'ils avaient parcouru une grande distance.

Cette île aussi était une grande forêt, mais là où celle qu'ils avaient quittée ressemblait à l'une de celles des zones tempérées qu'ils pouvaient trouver dans leur propre monde, ici, celle qui s'étendait devant eux était bien plus semblable à ce qui pouvait pousser dans les zones tropicales. Les arbres étaient bien plus grands et imposants, l'humidité y était omniprésente et n'apportait pas une simple sensation de fraîcheur, mais plutôt une moiteur peu agréable.

En voyant cette île céleste, Syara comprenait un peu pourquoi le roi avait laissé le déchu s'installer ici. En plus d'être dépourvue d'île terrestres et d'habitants pour travailler à la place des anges, vivre ici ne devait même pas être agréable. Le seul intérêt pouvait être les ressources qui pouvaient s'y trouver, comme le bois exotique, mais même pour ça, les anges ne semblaient pas exploiter leurs terres et n'avaient de toute façon pas besoin de s'installer pour les récupérer.

— Si cette île se trouvait sur la terre ferme avec des animaux, ça en ferait un terrain de chasse absolument génial ! S'ébahit Elyazra qui avait l'air dans son élément contrairement à sa sœur.

— J'ai beau adorer les forêts, celle-ci me fait un peu peur, commenta Phi en frissonnant.

— Il n'y a rien à craindre. La rassura Élane. Mon père m'y a emmené plusieurs fois et le pire qu'il m'est arrivé est d'avoir attrapé froid la première fois.

— Il doit bien y avoir une autre raison que l'exil qui l'a poussé à venir habiter ici plutôt que sur une autre île plus accueillante, réfléchit tout haut la beast. En plus, il fait beau maintenant, mais si c'est comme chez nous, la pluie dans ce genre d'endroit, ça n'est pas quelques gouttes, mais de vraies trombes d'eau pendant des heures voir des jours.

— Cette île a un avantage certain par rapport aux autres, répondit l'ange. On peut facilement y trouver de la nourriture tout au long de l'année sans passer par la culture ou l'élevage.

C'est vrai, en levant les yeux, Syara remarqua de suite de nombreux fruits près de la cime des arbres. Aller les récupérer sans pouvoir voler ne devait pas être une mince affaire, mais ces fruits n'étaient que la partie apparente. Il devait y avoir d'autres denrées comestibles plus accessibles.

— Avançons, le déchu habite au cœur de la forêt, annonça l'ange.

Si Élane pouvait rejoindre le lieu en question en quelques minutes, ça n'était pas le cas des autres qui restaient encore et toujours bloqués sur la terre ferme. Vu que le déchu avait perdu ses ailes, Syara aurait pensé que cette forêt aurait été un minimum aménagée, qu'il y avait au moins des chemins créés par ses passages pour se ravitailler, mais il n'en était rien. Avancer dans cette forêt tropicale était encore plus difficile que dans celle qu'ils venaient de quitter.

Après une bonne demie-heure à chercher un passage, le groupe arriva finalement... Au cercle de pierre. Pendant tout ce temps, ils n'avaient fait que tourner en rond ! Leur sens de l'orientation n'était pourtant pas si mauvais que ça, mais se repérer dans ce dédale végétal semblait demander des compétences particulières qu'aucun d'entre eux n'avait, pas même Elirielle.

— Bon, j'en ai marre, c'est décidé, je crame tout ! S'emporta Elyazra en allumant une flamme noire dans sa paume.

Craignant sans doute qu'elle mette sa menace à exécution, Orélius se jeta sur elle et lui maintint le poignet pour éviter qu'elle ne lance son projectile. Bien que l'endroit soit très humide, il en fallait plus pour éteindre le feu d'un dragon. Si elle se décidait à le lancer, toute la forêt pouvait partir en fumée.

— Laisse-moi faire, ça va aller vite, c'est promis !

— Tu veux retrouver un squelette calciné à la place du déchu ? Tenta de la raisonner son cousin.

— Écoute, tu me connais, je suis quelqu'un de patiente, mais là j'en ai... Quoi ? Rétorqua-t-elle en voyant Syara et Phi se retenir de rire.

— Non, rien. Vas-y, continue, l'invita la beast. Tu disais que tu étais patiente, mais que quoi ?

— Que j'en ai assez de tourner en rond dans des forêts !

— Je pense qu'il y a des solutions un peu moins radicales que brûler la forêt toute entière, tenta de la raisonner la dragonne.

— Ah oui ? Quoi par exemple ?

— Il n'y a normalement personne à part nous et le déchu sur cette île. Sachant que nous n'allons pas lui cacher qui nous sommes, je pense que Syara peut utiliser ses pouvoirs sans trop de risques.

— Et tu ne pouvais pas proposer ça avant ?!

— Avant je ne savais pas qu'on tournait en rond ! Se défendit la dragonne.

— C'est moi ou Ely déteint de plus en plus sur Elirielle ? Chuchota Phi à l'intention de Syara. Elle ne s'énervait pas aussi facilement avant.

Si cette remarque n'était destinée qu'à une seule personne, la jeune fée avait visiblement oublié qu'elle se trouvait en présence de personnes dotées d'une ouïe très fine. Ainsi, tous l'avaient entendue à l'exception d'Élane.

— C'est d'accord, je vais essayer de nous ouvrir un passage, se hâta de dire Syara pour éviter que la discussion ne s'envenime et ne s'éternise suite au commentaire de la fée.

Son instrument en main, la violoniste choisit une direction qui devait mener approximativement au centre de l'île et commença à jouer. Bien que belle, la mélodie n'était pas au niveau de ce qu'elle avait pu leur faire entendre plus tôt dans la matinée. L'inspiration n'y était pas. Le but en lui-même n'était de toute façon pas de produire un chef d'œuvre musicale, mais plutôt d'ouvrir la voie.

Après quelques notes, la végétation devant elle se mit à bouger et à se rétracter pour former un chemin. Tout en continuant à jouer, Syara ne put s'empêcher de sourire en voyant qu'elle réussissait à faire ce qu'elle voulait avec la magie de son violon là où il était habituellement plus capricieux. Tous ses entraînements semblaient porter leurs fruits, surtout depuis qu'elle avait fait la rencontre de Cristal.

La violoniste ouvrit donc la marche et s'enfonça de nouveau, cette fois-ci en ligne droite, dans la forêt tropicale. Le groupe progressa ainsi pendant une trentaine de minutes. Bien qu'habituée à jouer longtemps sans interruption, la beast commençait à fatiguer à cause de son sort continue.

Elle allait d'ailleurs demander une petite pause lorsque les lianes devant elle s'écartèrent tels des rideaux tirés de chaque côté et révélèrent un petit espace sans végétation envahissante, juste devant l'entrée d'une grotte.

— Nous y sommes, annonça Élane.

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant