Chapitre 169 : L'exécution

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 Face à la foule qui s'était tue, le roi gardait le silence et prenait son temps pour regarder son peuple qui s'était massé pour assister à cette exécution. Même s'il s'agissait de la première fois qu'elle le voyait, il semblait à Syara qu'elle le connaissait déjà. Cela devait être à cause de l'air de famille vu qu'elle était, après tout, sa petite-fille et qu'elle-même ainsi qu'Elyazra avaient pris de nombreux traits du côté de leur mère.

En plus de cela, la beast avait déjà expérimenté, chez les fées, ce à quoi elle pourrait ressembler si elle était née homme. Voilà pourquoi le roi lui était aussi familier. Elle avait déjà vu son portrait craché lorsqu'elle s'était vue dans un miroir à ce moment-là.

— Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? Questionna Orélius.

— On attend et on guette le moment opportun, répondit Syara. Je ne pourrais pas utiliser mon violon sans attirer l'attention, mais toi et Ely pouvez vous retrouver en un instant sur l'estrade. Phi se chargera de protéger le baron.

— Et dans un second temps, je ferai en sorte qu'aucune personne extérieure ne nous gêne et Fos ira le libérer, décida Elirielle.

— Je n'aime vraiment pas ça, grogna le déchu. Vous n'êtes pas prêts à l'affronter, mais nous sommes dos au mur. Nous ne pouvons clairement pas rebrousser chemin et dire que nous n'avons rien pu faire sans tenter quoi que ce soit.

— Si Ely et Orélius sont assez rapides, nous pourrons en finir avec le roi avant même qu'il ne s'en rende compte. Il ne s'attend certainement pas à se faire attaquer dans sa propre ville et devant son propre palais.

— Mes chers concitoyens, commença le roi. Aujourd'hui est un jour sombre. Azerios Voklan avait beau n'être que baron, il était, pour tous, aussi apprécié qu'influent. Il était, pour beaucoup, un modèle de vertu et de droiture.

— Drôle de façon de parler de la personne qu'il s'apprête à exécuter, commenta Elyazra.

— Même si nous n'étions pas en accord sur tout et qu'il lui arrivait de s'opposer publiquement à moi, je ne pouvais me résoudre à lui en vouloir. Il poussait tout le monde à la réflexion et montrait bien souvent les limites de nos politiques.

— à l'entendre, il est déjà mort et il lui rend hommage, ajouta Orélius.

— C'est donc cette personne qui a tant fait pour nous tous que je pleure aujourd'hui, mais la faute commise par la maison Voklan ne saurait être pardonnée. Alors que nous nous préparons depuis des mois à venger la mort de notre bien-aimée princesse, ma fille, des mains de barbares sanguinaires, le baron n'a cessé de faire en sorte de nous ralentir.

— Une mission de vengeance ? Qu'est-ce qu'il aurait pu inventer pour nous envahir si Anela avait réussi à ouvrir le portail ? Grogna Syara.

— Pire, nous avons des preuves irréfutables que le baron était en lien avec ces barbares qui ont assassiné ma fille. Elle qui était la bienveillance incarnée s'était rendue sur leur monde en tant qu'ambassadrice pour leur apporter la lumière dans l'obscurité et voilà comment ils l'ont remerciée, ragea-t-il.

— Ironique quand on sait qu'elle est une actrice majeure dans la guerre qui a privé notre monde de la lumière du soleil, commenta Fos en roulant des yeux.

Tout ceci n'était qu'une vaste fumisterie, se dit Syara. Ils n'avaient rien laissé derrière eux qui puisse servir de preuve et, pour ce qui était des témoignages oculaires, tous avaient eu comme version qu'ils faisaient partie du peuple d'en bas, invités par le baron sur les terres célestes pour faire le point sur les ressources.

La vérité n'avait aucune importance dans son discours, ce qui était primordial était de jouer sur l'affect et de manipuler pour changer l'opinion du peuple vis à vis du baron. En commençant par parler de lui en des termes aussi élogieux, cela accentuait le sentiment de trahison et donnait au peuple l'impression que le roi avait été personnellement blessé en l'apprenant.

Dans son discours, il parlait cependant bien de la maison Voklan et non uniquement du baron. Aurait-il pu tenir le même discours avec un enfant d'à peine dix ans aligné à côté de son père devant le billot ? La foule aurait été plus difficile à convaincre, mais ce roi semblait être un fin manipulateur. Il aurait sans doute fait mine de miséricorde en l'épargnant et l'aurait éliminé discrètement par la suite.

— C'est le cœur lourd que je vais à présent procéder à l'exécution.

— Le condamné n'a-t-il pas le droit à une dernière parole ? S'exclama le baron.

Dans le petit scénario que s'était fait le roi, le baron ne devait jamais ouvrir la bouche. De l'agacement se lut sur son visage pendant un bref moment avant qu'il ne reprenne une expression plus neutre.

— Il est trop tard pour te défendre.

— Je ne cherche ni à me défendre, ni à me justifier, ni même à critiquer l'invasion que vous tentez de dissimuler derrière votre fausse quête de vengeance, mais nos lois sont claires à ce sujet. Toute personne condamnée à mort a le droit à des dernières paroles. Que vous soyez mon exécuteur ne change rien à cela.

— Et bien soit, prononcez vos dernières paroles ! Grogna le roi tout en essayant, sans succès, de cacher son agacement.

Passant devant le billot, le baron s'avança jusqu'à se tenir au bord de l'estrade. Là, il prit un moment pour regarder la foule et finit par remarquer l'équipe de sauvetage qui se trouvait à sa droite. Avec un léger sourire, Azerios leur adressa un discret non de la tête, puis reporta son attention sur le reste de la foule.

Comment ça non ? Il ne voulait pas être sauvé ? Pensa Syara. Est-ce qu'il pensait au moins à ses fils ? S'il croyait qu'il avait son mot à dire dans cette opération de sauvetage, il se mettait le doigt dans l'œil.

— Je ne serai pas long, annonça-t-il. Je n'ai, de fait, qu'une seule chose à dire. La vérité se trouve là où le vent force les pénitents à marcher.

Suite à ces paroles incompréhensibles qui firent s'élever des murmures dans toute la foule, le baron retourna derrière le billot, s'agenouilla et y plaça sa tête. Le roi sortit alors son épée et s'avança pour exécuter la sentence.

— Tout le monde se prépare, annonça la beast. Vous frapperez quand il lèvera son épée et Phi protégera le baron au cas où.

— Baron Azerios Volkan, vous êtes condamné à mort ! Tonna le roi.

Le tranchant de sa lame contre la nuque du condamné, le roi leva son épée au-dessus de sa tête. C'était le moment de frapper ! Le... Moment... Malgré ses instructions, ni Elyazra, ni Orélius ne s'étaient téléportés pour se jeter sur le roi.

— Mais qu'est-ce que vous faites ? Vite !

— Je ne sais pas ce qui se passe, mes pouvoirs sont comme bloqués ! Paniqua la demie-dragonne.

— Pareil pour moi !

Il ne restait plus que le plan de secours avec le bouclier de Phi. Projeter son bouclier était extrêmement facile pour elle et pourtant, elle avait beau tendre les mains et se concentrer, rien n'apparaissait pour protéger le baron.

La lame finit par s'abattre et alors qu'elle allait goûter la chair de sa victime, un bouclier se matérialisa finalement. Celui-ci était cependant bien trop faible, aussi résistant qu'une armure de papier et se brisa dès l'instant où l'épée le heurta sans même réussir à la ralentir. Sous les yeux horrifiés de ceux qui étaient venus le sauver, la tête du baron se détacha de son corps et tomba en avant dans un panier placé devant le billot. Ils avaient échoué.  

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant