Chapitre 126 : L'oublié

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 Le soir tombé, toutes les personnes qui avaient décidé de sortir du manoir avaient fini par y retourner pour y passer la nuit. Sur le chemin du retour, les deux sœurs avaient tout de même pu admirer les rues qui s'illuminaient peu à peu grâce à la magie.

Certaines rues de Léfarène étaient éclairées de la même manière, même si la plupart l'étaient grâce à des lampadaires classiques dans lesquels brûlait une flamme tout à fait normale. Là encore, l'atmosphère et le résultat final était bien différent entre les deux mondes. Dans le premier, les éclairages servaient à chasser les ténèbres et étaient avant tout fonctionnels. Dans celui-ci, ils offraient une nouvelle esthétique à la ville qui sublimait tout ce qui était déjà beau de jour et donnait aux rues des allures enchanteresses.

À leur retour, Firène avait immédiatement sauté sur son frère et ne l'avait plus lâché. Si Elyazra et Syara avaient apprécié leur tour de la ville, lui était enchanté d'avoir pu voler en compagnie de Phi. D'après ses dires, il n'avait jamais autant progressé en aussi peu de temps.

Leur manière de voler avait beau être différente, la jeune fée avait tout de même dut lui donner de nombreux conseils qui fonctionnaient tout aussi bien pour lui. Après tout, étant autrefois réputée pour sa maladresse légendaire, elle avait dû apprendre à la dure comment éviter de finir écrasé contre un mur au moindre faux battement d'aile.

Ce fut ensuite au tour d'Elirielle de se présenter en compagnie du baron et d'Orélius. La dragonne arborait des ailes d'ange dans son dos qui, selon les dires d'Élane, étaient plus que convaincantes. Le demi-dragon, lui, semblait cependant de mauvaise humeur et jetait des regards noirs à Elyazra et Syara.

— Ça ne va pas ? questionna la demie-dragonne.

— Tiens donc, c'est maintenant que tu t'en inquiètes ? maugréa-t-il.

— Pas la peine d'être désagréable, commenta Syara. On ne t'a rien f... Oh pardon !

Se souvenant finalement de ce qui pouvait leur être reproché, Syara porta ses deux mains à sa bouche et écarquilla les yeux. Orélius voulait lui aussi découvrir la ville. Il était sorti devant le manoir avec les deux sœurs et Élane, mais avait oublié quelque chose à l'intérieur et leur avait demandé de l'attendre.

Perdue dans une discussion dont elle ne se souvenait déjà plus du sujet, elle en avait oublié que le demi-dragon n'était toujours pas revenu. Il devait en être de même pour Elyazra et Élane et les trois étaient finalement partis sans lui. Sans être escorté par l'un des membres de la grande famille, il n'avait pas pu les rejoindre et était donc resté au manoir toute la journée.

— C'est de ta faute aussi, il faut plus t'imposer, donner de la voix ! tenta de se dédouaner sa cousine.

— J'ai dit que j'avais oublié quelque chose, que je revenais tout de suite et vous m'avez répondu que vous m'attendriez. Je ne vois pas ce que j'aurai pu faire de plus !

— Quelle idée aussi d'oublier quelque chose...

— Et c'est toi qui me dis ça ?! Madame je sors chasser et je ne me rends pas compte que je n'ai pas mis de pantalon ?

— Eh ! C'est un coup bas ça ! Ça n'est arrivé qu'une fois !

— Quand ça n'est pas avec la sœur, c'est avec le cousin, se désola la dragonne.

— Oublier de mettre un pantalon ? Tu as fait fort quand même, commenta la violoniste avec un large sourire aux lèvres.

— Tu ne vas pas t'y mettre toi aussi ! Et je te rappelle que toi aussi tu l'as oublié ! Tu es aussi fautive que moi !

— Mais moi au moins je ne me cherche pas d'excuse !

— Et ça y est, la sœur s'y met. Dites, cher baron ? Vous ne seriez pas à la recherche de domestiques à tout hasard ? J'ai certaines personnes sur les bras dont j'aimerais me débarrasser.

— Je suis au regret de vous annoncer que je dois refuser cette offre... Je tiens beaucoup trop à mon manoir pour les engager, répondit-il avec amusement.

Pendant que les deux sœurs s'écharpaient, Élane s'avança en direction d'Orélius et s'inclina devant lui. Par ce geste, il fit taire tout le monde, même les deux terreurs qui commençaient à en venir aux mains s'étaient arrêtées.

— Je suis terriblement confus, annonça-t-il. Absorbé par notre conversation, j'en ai oublié votre requête d'être attendu pour visiter la ville avec nous. Je vous prie de bien vouloir m'excuser, je saurai me racheter pendant notre voyage, je vous le promets.

— Je... heu... redressez-vous s'il vous plaît, ça n'est pas si grave que ça, bafouilla le demi-dragon, visiblement déstabilisé. Comme vous dites, j'aurai sans doute l'occasion de voir d'autres villes de votre monde.

— Prenez en de la graine les filles, c'est comme ça qu'on s'excuse convenablement, commenta Elirielle. C'est bien plus constructif que vos chamailleries qui me vrillent les tympans à longueur de journée.

Si Elyazra rejetait cette remarque et montra par sa posture boudeuse qu'elle n'en ferait rien, Syara, elle, se sentait mal. Évidemment ! La meilleure chose à faire aurait été de s'excuser convenablement ! Elle savait aussi que le pardon qu'elle avait prononcé était dû à la surprise plutôt qu'à une véritable excuse.

À son tour, la violoniste s'approcha d'Orélius et lui demanda de l'excuser. Elle ne pouvait pas lui promettre de faire découvrir d'autres villes d'anges comme l'avait fait Élane, mais lui assura qu'elle ferait bien plus attention la prochaine fois.

La colère était passée et le demi-dragon ne lui en tint pas rigueur. Malgré la bonne volonté qu'il montrait, Elyazra continuait à bouder et s'obstinait à ne pas vouloir s'excuser. Entre ça et son coup bas dans la journée qui avait fait passer Syara pour une sauvage aux yeux des anges, elle méritait bien une bonne leçon, pensa la beast.

— Alors comme ça, Ely est partie chasser sans pantalon ? demanda-t-elle, mine de rien.

— Oui, rit Orélius. Je m'en souviens comme si c'était hier. Elle avait trop traîné au lit et j'étais parti avant elle pour aller chercher notre déjeuner. J'étais en train de pister un sanglier quand je l'ai vue me dépasser en courant avec sa rapière dans les mains. Elle était toute fière de m'avoir rattrapé, mais elle ne s'était même pas rendu compte que...

— Ça suffit, stop, arrête, tu as gagné ! s'empressa de dire Elyazra en lui sautant presque dessus. Pardon, pardon, pardon, je ne le referais plus, mais s'il te plaît, ne dis pas un mot de plus !

Comme le baron avait dit qu'il tenait à son manoir, Orélius n'en dit pas plus pour éviter que sa cousine ne transforme les lieux en une ruine fumante. Ce début d'histoire et sa réaction avaient malgré tout fait rire tout le monde, même si, pour Syara, ne pas connaître le fin mot de cette histoire pourtant si bien démarrée était frustrant. Il aurait d'autres occasions de lui raconter, se dit-elle finalement pour passer à autre chose.  

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant