Chapitre 76 : l'art de parler aux arbres

183 39 8
                                    

 Après avoir bien ordonné sa petite liste de questions qu'elle comptait poser à Ati, Syara allait pour s'avancer et formuler la première lorsqu'elle remarqua que les autres élémentales agissaient d'une manière étrange. Tous, sans exception, s'étaient regroupés près du grand arbre et posaient leurs mains sur son tronc. Ceux qui ne pouvaient pas le faire directement par manque de place les plaquaient plutôt sur le dos de la personne devant eux.

Curieuse de savoir ce qu'ils comptaient faire, la violoniste resta silencieuse et observa ce qui se passait devant elle. D'abord concentrée sur les élémentales, elle ne remarqua que tardivement que certaines branches s'étaient mises à pousser rapidement et à s'agiter tels des tentacules.

Tout en se rapprochant du sol, elles se croisèrent et s'entremêlèrent pour former un dôme légèrement plus grand qu'elle et pourvu d'une ouverture pour y pénétrer. Dans un dernier craquement d'écorce, les branches se figèrent et les élémentales se dispersèrent de nouveau.

— Qu'est-ce que c'est ? Questionna Elyazra.

— Le doyen des doyens vous a dit qu'il veillerait à ce que ses branches vous apportent tout le confort nécessaire. Les êtres de chairs n'ont pas les mêmes sensibilités que nous autres élémentales. Aussi, il a décidé de vous créer un abri pour que vous puissiez vous protéger du vent.

— Donc vous avez modelé ses branches pour nous créer cet abri ?

— Nous n'avons fait que lui apporter le nécessaire pour qu'il puisse bouger à sa guise. Pour le reste, cela relève uniquement de ses propres décisions.

— Les arbres sont aussi intelligents ? Je suis sur le cul ! S'exclama la demie-dragonne.

— Est-ce une particularité des forêts élémentales ou tous les arbres sont ils comme ça ? Demanda Syara, revoyant ainsi l'ordre de priorité dans ses questions.

— Les arbres de nos forêts sont bien plus éveillés, confirma le grand vénérable. Pour les autres, ils ont aussi une conscience, mais elle est bien plus... comment diriez-vous dans votre langue ? Primitive.

Prête à enchaîner sur la question suivante, Syara vit Phi voleter devant ses yeux pour attirer son attention. Sous cette forme, elle ne pouvait pas communiquer et seul Rael connaissait le sort pour amplifier sa voix. Sans doute restait-elle ainsi pour faire plaisir à l'arbre.

Son index était pointé sur l'abri et, voyant qu'elle ne bougeait pas, la jeune fée se mit à tirer sur sa veste. Si la bouger par la force était peine perdue, Syara comprit tout de même qu'elle voulait qu'elle la suive.

— Pouvons-nous aller voir l'abri ? Demanda-t-elle tout de même.

— Bien sûr ! Il a été fait pour vous après tout.

Précédée par Phi qui était visiblement excitée à l'idée de passer la nuit là-dedans, Syara et Elyazra s'approchèrent de l'abri et inspectèrent l'intérieur. Outre le dôme de branche qui coupait effectivement du peu de vent qu'il y avait, elles remarquèrent que le sol était recouvert d'une épaisse mousse. En voyant que sa main s'enfonçait légèrement dedans, la beast comprit que l'arbre avait voulu leur fournir un matelas.

— Ah oui, on va être bien là ! S'enjoua la demie-dragonne qui, elle, s'était allongée de tout son long. J'ai presque l'impression d'être sur un lit. Viens petite sœur, pose tes fesses là, tu vas voir !

— Eh bien, je ne sais pas ce qu'il y a dans cette mousse, mais elle te met de bonne humeur, rit Syara.

— Je viens de te le dire. Pose tes fesses dessus et tu comprendras !

— Entre ça et le fait que tu dises être sur le cul, j'ai l'impression que tu es assez focalisée sur cette partie du corps, remarqua la beast en suivant malgré tout son conseil et en s'asseyant.

— C'est parce que Rael me manque, se plaignit-elle.

— Ça ne fait que deux jours !

— Ça fait déjà deux jours ! Rectifia la demie-dragonne.

— Y a-t-il un problème ? S'inquiéta Ati. L'abri ne vous convient pas ?

— Si, si. C'est bien plus que ce qu'on pouvait espérer, le rassura Syara. Nous allons pouvoir passer une bonne nuit pour être en forme et entamer notre ascension demain.

— Vous m'en voyez ravi ! Si vous avez besoin de quoi que ce soit d'autre, n'hésitez pas.

Un instant, la beast s'imagina lui demander de l'aide concernant le soit disant problème de sa sœur. Si cela l'amusa intérieurement, elle savait qu'Elyazra était une sans gène qui n'hésiterait pas à enchérir pour que ce soit finalement elle qui se sente embarrassée.

— J'aurai de nombreuses questions, mais il s'agit plus de curiosité personnelle que de quelque chose de véritablement important, annonça-t-elle plutôt.

— Si ce n'est que ça, je ferai en sorte de satisfaire votre curiosité. Mais avant ça, j'aimerais informer l'enfant bénie de la nature que le doyen des doyens souhaiterai lui parler.

Se reconnaissant dans cette appellation, Phi arrêta d'aménager le coin qu'elle s'était attribué, tourna son regard dans la direction du grand vénérable et pencha la tête sur le côté. Elle devait sans doute se demander ce qu'un arbre pouvait lui demander, se dit Syara.

— Je présume que vous n'avez jamais conversé avec un arbre. De ce que me dit le doyen des doyens, les enfants bénis de la nature ont les mêmes prédispositions que nous autres élémentales. Vous ne l'entendez pas parce que vous n'y êtes pas habituées, mais approchez-vous de lui et vous pourrez l'entendre et le comprendre.

Intriguée par ses dires, la jeune fée s'envola, quitta l'abri et alla se poser sur l'une des branches les plus basses, à la jonction entre cette dernière et le tronc. La main posée sur l'écorce, elle sursauta légèrement, puis s'assit et se mit à parler. Pour Syara et Elyazra qui l'observaient, tout ce qu'elles voyaient était ses lèvres qui bougeaient sans qu'aucun son n'en sorte.

Sans le sort de Rael pour amplifier sa voix, il allait être compliqué pour elles de suivre sa conversation, mais le sourire qu'elle arborait se voulait rassurant, comme si elle parlait à un vieil ami qu'elle venait de retrouver.

— Comment se fait-il que les arbres en sachent autant sur les fées ? À ma connaissance, il n'y a qu'une forêt qui en abrite, elle se trouve à l'autre bout du monde et ça n'est pas une forêt élémentale.

— Bien que plus primitifs comme je l'ai dit plus tôt, tous les arbres parlent et le vent porte ce qu'ils disent par-delà même les océans. C'est principalement grâce à cela que nous autres avons appris votre langue.

Voyant que Phi était toujours en pleine conversation avec le doyen des doyens et qu'elle ne semblait lancée pour un moment, Syara s'installa plus confortablement et continua à poser ses questions au grand vénérable qui, faisant honneur à la réputation de son espèce, y répondit sans perdre patience, ajoutant même des précisions sur certains sujets dont elle-même n'avait pas pensé.

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant