Le violon de cristal : l'autre monde

Chapitre 64 : s'en remettre à sa jeune ainée

 Au lendemain des festivités, le calme était revenu sur le plateau de la chaîne d'Hara. Les harpies étaient retournées chez elles et commençaient la préparation nécessaire à l'arrivée des émissaires. L'escorte de l'impératrice était évidemment invitée à passer les jours suivants dans le village de la tribu des serres noires. La plupart d'entre eux aidaient les harpies dans leurs préparatifs et seuls Syara et Rael restaient à l'écart.

Pendant ces quelques jours d'attente, les deux mages s'étaient isolés dans la hutte qui appartenait à présent à l'impératrice avec un objectif clair. Ils devaient mettre au point en enchantement qui permettrait à Sae de les contacter si elle avait un problème et qu'ils se trouvaient à Léfarène ou encore plus loin, en mission.

La tâche était pour le moins ardue. Il était aisé de se rendre compte de l'utilité d'un tel enchantement et, s'il n'avait pas encore été créé, ce devait être à cause de sa complexité. La date butoir de l'arrivée des émissaires approchait et leur acharnement n'avait pas payé.

Tentant le tout pour le tout, Syara eut l'idée de demander conseil à un mage dont l'expérience et la puissance n'avaient rien de comparable avec ce qu'étaient les musiciens d'aujourd'hui. La violoniste ne fondait que peu d'espoirs sur cette dernière carte lorsqu'elle entra en méditation avec son violon dans les mains. Après tout, Fos avait un caractère qui pouvait être assez difficile et refusait bien souvent de la faire venir dans le monde du violon.

La beast en fut donc presque surprise lorsqu'elle sentit qu'il avait effectivement répondu à son appel. En ouvrant les yeux, elle ne trouva pas l'humain, mais ne se trouvait pas non plus à l'endroit habituel où tout n'était que bleu et plat à perte de vue. L'endroit où elle avait atterri avait comme particularité de comporter une porte de lumière à quelques mètres d'elle.

En la traversant, la violoniste se retrouva dans un endroit familier. Ça n'était pas la maison de Shay, perdue dans les bois, mais l'arrière du palais des fées ou s'étendait un grand jardin. Tournant sur elle-même, elle ne put que confirmer cette impression en voyant l'imposant édifice.

— Fos ? Appela-t-elle.

— Il n'est pas là, répondit une voix enfantine.

La tête passée par une fenêtre du rez-de-chaussée, la détentrice originelle du violon regardait Syara et lui souriait. Malgré les apparences, elle se trouvait bien dans la partie du violon qui lui servait de lieu de vie.

— Bonjour Cristal, salua-t-elle. Vous avez refait la décoration ?

— Je peux changer cet endroit quand je le souhaite, répondit l'elfe. J'aime beaucoup la maison que tu partages avec tes amis. C'est petit, mais on s'y sent bien. Ça ne te dérange pas ?

— Pas du tout. En un sens, c'est aussi la tienne.

Tel un mirage qui disparaissait, tout le château ainsi que les jardins se mirent à onduler. Certains éléments disparaissaient, d'autres changeaient de forme. Les couleurs variaient aussi et même le ciel n'était pas épargné. En à peine quelques secondes, Syara était passée du royaume des fées à l'intérieur de son salon. Tout était à sa place, dans les moindres détails.

— La seule différence, c'est que ça me semble un peu vide sans personne pour la partager, se désola la jeune fille.

— Tu dois t'ennuyer seule ici.

— Pas vraiment, je suis ce que tu fais. D'ailleurs, ta musique et les sorts que tu as lancés pendant la fête étaient magnifiques ! Tu maîtrises de mieux en mieux mon violon !

— Merci à toi de me laisser l'utiliser. C'est d'ailleurs en partie pour ça que je suis venue.

— Tu cherches à créer un enchantement pour communiquer avec Sae quelle que soit la distance.

— C'est ça. Je comptais demander à Fos s'il avait une piste, mais tu as peut-être une idée.

— lorsque la vraie Cristal utilisait le violon, elle en était venue à la conclusion que rien ne lui était impossible, donc un tel enchantement doit pouvoir se faire. Cependant, c'est après des années d'entraînement qu'elle a pu exploiter mon pouvoir à son plein potentiel. L'autre différence entre toi et elle est que le violon de cristal est un instrument lié pour toi et non un instrument de l'âme, ce qui réduit grandement son pouvoir.

— Tu penses que cet enchantement n'est pas à ma portée ?

— Si, je pense que c'est quand même possible. C'est juste que je dois y réfléchir de manière différente. Tu peux me laisser un peu de temps pour ça ?

— Bien sûr, prends le temps qu'il te faudra. Tu veux que je repasse plus tard ?

— pas besoin, je pense trouver une solution rapidement. Et si je n'y arrive pas, je te le dirai pour que tu ne perdes pas ton temps ici.

Quelque peu surprise, Syara alla s'asseoir sur la copie de son canapé pour patienter. Si elle ne doutait pas que Cristal puisse trouver une solution, le fait qu'elle pense y arriver en peu de temps l'étonnait. D'un autre côté, elle était l'âme du violon. Ce devait être son apparence enfantine qui lui donnait ces impressions, mais la fillette était en réalité bien plus âgée qu'elle et avait une expérience et une compréhension de l'instrument qu'elle ne pourrait jamais avoir.

Pendant que Cristal réfléchissait en murmurant toute sorte de choses à voix basse, Syara se dit qu'elle devrait passer plus de temps avec elle pour qu'elle lui enseigne ce qu'elle savait sur cet instrument. Elle savait déjà, par exemple, qu'un sort était un mélange entre les émotions ressenties, celles que l'on voulait transmettre, l'image du sort que l'on voulait lancer, celle que la musique inspirait ainsi que de nombreux autres facteurs qui rendaient l'utilisation du violon de cristal d'une incroyable complexité par rapport à un instrument lié plus basique.

Cristal était sans doute à même de la guider et de lui expliquer certaines choses sans doute bien plus complexes telles que les mélodies de l'âme qu'elle avait réussi à jouer sans vraiment comprendre comment. Syara n'eut cependant pas le temps de faire le tour de toutes les questions qu'elle avait. À peine dix minutes s'étaient écoulées lorsque la jeune elfe se présenta devant elle avec un sourire triomphal.

— J'ai trouvé, annonça-t-elle.